Les manifestations de rue ne devraient pas remplacer le dialogue sincère, direct et constructif entre les adversaires politiques. Car le pays ne peut supporter les clivages dangereux qui menacent l’unité du pays.
Par Jamel Dridi
Ici et là, la mode est au buzz médiatique en assassinant le camp politique que l’on ne porte pas dans son cœur. Même les journalistes expérimentés cèdent au raccourci facile : il faut choisir son camp. On est soit religieux soit athée, soit conservateur soit progressiste. Il n’y a plus de nuances. Pourtant la division n’est pas une fatalité mais le choix volontaire que nous faisons et qui risque, au final, de nous coûter cher. Nous pourrions pourtant lui préférer l’unité au travers d’un dialogue responsable !
Le chemin vers la démocratie est semé d’embuches
L’Histoire nous l’enseigne, toute ère post-révolutionnaire n’est jamais une période facile. Le chemin vers la démocratie est long et sinueux. La Tunisie, ce pays que nous aimons tous a entrepris ce magnifique périple pour notre bien et celui de nos enfants. Les temps impliquent que nous soyons prudents face aux défis et enjeux inhérents à cette situation. Tant de problèmes nous font face, tant de sujets de discorde, de débats profonds à gérer.
En toute lucidité et courage, nous devons assumer nos responsabilités et régler ces questions. Mais en évitant la discorde et les conflits stériles. Car si la tâche est naturellement difficile, elle deviendra quasiment insurmontable si les Tunisiens sont divisés.
Or, au moment où nous signons cette lettre qui, contrairement à la «mode» actuelle se veut volontairement neutre – ni pro, ni anti qui que ce soit –, nous constatons une recrudescence de mouvements populaires de masse (manifestations, sit in, etc.) dans les deux camps qui, eux, n’ont rien de neutre.
Dialoguer par manifestation interposée
Nous pensons que ce n’est pas la bonne voie car non seulement cela enlève au monde politique sa capacité à gérer les affaires d’un pays au profit d’une démarche populiste dangereuse mais de plus met en danger la Tunisie en cas de dérapage à l’occasion d’une manifestation ou d’un sit-in quelconque.
Les hommes et femmes politiques tunisiens ont le droit d’avoir des divergences profondes quant aux projets de société qu’ils veulent pour la Tunisie. A ce sujet, le débat peut être engagé voire même très vif, à condition qu’il reste respectueux des lois et des personnes. Mais en aucun cas il ne doit être la cause d’une division de notre peuple.
Or c’est bien ce qui est en train d’être accompli. La Tunisie est de plus en plus clivée entre deux camps se gargarisant de motifs d’autosatisfaction et insultant l’autre de tous les maux possibles.
Certes, dans le monde d’aujourd’hui, tout va vite. Les nouveaux outils accélèrent encore plus ce temps déjà pressé. Et le raccourci facile et simpliste tend à devenir la norme. Mais ce qui fait justement la force d’un homme et d’une femme politique désirant garder son pays uni, c’est justement de préférer la synthèse au raccourci intellectuel. Le chemin du dialogue et du compromis à la posture musclée médiatique.
Il faut rechercher l’apaisement
Nous demandons aux femmes et hommes politiques tunisiens, aux acteurs de la société civile quels qu’ils soient, à tous les Tunisiennes et Tunisiens, à tous quels que soient leur religion –ou non religion-, idées et camps politiques, de se remettre à dialoguer ensemble sereinement sur ce qui nous oppose et surtout sur ce qui nous rassemble, à savoir l’amour de ce pays.
Nous leur demandons de ne pas choisir la rue pour s’exprimer par le biais de manifestations dangereuses et répétées mais par le dialogue sincère, direct et constructif entre eux. Nous en appelons à leur sens de la responsabilité pour le bien de notre pays et l’unité de notre peuple.