Le mouvement Kolna Tounes s’interroge sur le laxisme du gouvernement face aux appels au meurtre et aux violences des groupes extrémistes religieux. Nous reproduisons le texte de son communiqué diffusé lundi.


Le mouvement Kolna Tounes condamne vigoureusement toute atteinte ou profanation des symboles sacrés de notre religion, tout en s’étonnant de leur survenue sans précédent dans notre pays et de l’absence totale d’informations sur les dessous de ces actes et l’identité des profanateurs.

Pour autant, la réponse à de tels actes ne peut en aucun cas être l’appel à la violence et au meurtre, particulièrement lorsque des citoyens tunisiens sont stigmatisés en raison de leurs croyances.

Le mouvement Kolna Tounes se dresse fermement contre ces incitations à la haine et au meurtre autant qu’il condamne les violences perpétrées contre des artistes devant le théâtre municipal de Tunis qui, en plus de viser des personnes, s’attaquent à la culture et tentent par la terreur de museler la liberté d’expression et emprisonner la liberté de penser.

Par ailleurs, et face à certaines incohérences flagrantes dans la pratique des services du ministère de l’Intérieur, l’on ne peut que poser plusieurs questions auxquelles ces services sont appelés à apporter des réponses sans délais :

- Comment le ministère de l’Intérieur a-t-il pu autoriser au même endroit et à la même heure deux manifestations opposant deux courants antagonistes, dont la confrontation et les dérapages étaient prévisibles, sans avoir pris les dispositions préventives adéquates pour éviter toute forme de violence, verbale ou physique, et les appels au meurtre au risque d’atteinte à l’ordre public et de discorde ?

- Comment est-ce que les forces de l’ordre ne sont-elles pas intervenues lorsque la manifestation des salafistes, bien qu’autorisée, s’est transformée en tribune publique pour appeler à la violence et inciter à la haine et au meurtre, et comment n’ont elles pas arrêté les responsables ?

- Comment expliquer la concomitance systématique de ces événements, qui font diversion, avec les interpellations du peuple sur la constitution, la date des élections, le devenir de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie) ou avec des revendications sociales légitimes ?

Nous ne pouvons que nous demander comment de tels comportements peuvent être observés en toute impunité après le discours alarmiste du ministre de l’Intérieur qui prévenait du risque de confrontations graves.

Le rendement approximatif du gouvernement, entre hésitations et contradictions aussi bien dans les déclarations que dans les décisions et les actions, ne peut qu’être source d’inquiétude. Le scepticisme de la société civile et de l’opinion publique ne peut que croître lorsqu’on continue à approfondir une fracture idéologique qui divise notre peuple et à enraciner une bipolarisation politique stérile, au mépris de la fracture sociale qui handicape notre pays et des préoccupations de notre peuple, de ses priorités et de ses difficultés, et en s’éloignant davantage des objectifs de notre révolution et de ses revendications : emploi, liberté et dignité.

Toutes les forces du pays, en particulier l’Assemblée nationale constituante et le gouvernement, ont l’obligation de se concentrer sur les enjeux politiques réels de cette phase de transition, d’une part, et sur l’instauration des conditions favorables à la relance économique et au retour des investisseurs afin de réduire les difficultés sociales que connaît notre peuple, d’autre part, sans quoi, la spirale de la violence ne pourra que se poursuivre et s’aggraver.

Emna Menif, présidente de Kolna Tounes