La séance de débat à l’Assemblée nationale constituante (Anc) consacrée à l’examen du rendement du ministère de l’Intérieur a commencé vendredi et s’est poursuivie jusqu’à samedi à l’aube. Conclusion : tout va bien Sidi Cheikh…
Plusieurs membres du gouvernement ont pris part à cette séance marathon au cours de laquelle l’accent a été mis sur la problématique de la sécurité et les récentes nominations administratives aux niveaux central et régional, approuvées par le mouvement Ennadhdha et vivement critiquées par l’opposition.
La faute aux «ennemis de la révolution»
Des élus du parti au pouvoir ont imputé les dérives sécuritaires, les violences et les agressions commises contre les symboles sacrés et religieux à ce qu’ils ont qualifié d’«ennemis de la révolution» et de «valets de l’ancien régime». On appréciera, au passage, la grande précision de ces accusations.
Le président du groupe Ennahdha, Sahbi Atig, a appelé à la nécessité de doter les forces de l’ordre des moyens leur permettant de s’acquitter de leur mission en veillant à «protéger les libertés et les artistes dans le cadre de la loi».
Il a justifié les récentes nominations dans le corps des gouverneurs, des délégués et des «omdas» par la «lenteur du rétablissement de la situation dans les régions et le retour des Rcdistes à l’activité».
Pour Zied Doulatli (Ennahdha), le gouverneur «est le seul responsable du programme du gouvernement». «Même dans les pays démocratiques, le choix des gouverneurs concrétise l’engagement à mettre en œuvre le programme du gouvernement», a-t-il lancé, en réponse aux critiques adressées au gouvernement, qui a nommé de nouveaux gouverneurs en majorité issus d’Ennahdha.
Les nominations bien ordonnées commencent par soi-même
De son côté, le président du groupe d’Ettakatol, Mouldi Riahi, a appelé le gouvernement à davantage de transparence dans la nomination aux postes fonctionnels, s’interrogeant sur les critères adoptés dans les récentes nominations annoncées par le ministère de l’Intérieur dans le corps des gouverneurs, des délégués et des «omdas». Sachant qu’Ettakatol et le Congrès pour la République (Cpr), alliés d’Ennahdha au gouvernement, n’ont pas été consultés avant lesdites nominations.
«Le parti au pouvoir tente de mettre sous sa coupe l’administration et de porter préjudice à la neutralité de son fonctionnement», a estimé Issam Chebbi (groupe démocratique), dans une allusion au mouvement Ennahdha.
Intervenant au nom du même groupe, Maya Jeribi a critiqué la décision du ministère de l’Intérieur d’interdire l’organisation de manifestations sur l’avenue Habib Bourguiba, après les attaques, dimanche dernier, des salafistes contre les artistes et les hommes de théâtre, estimant que d’aucuns n’arrivent pas à comprendre le traitement par le ministère de l’Intérieur du phénomène de la violence, de l’extrémisme et du crime.
Ali Lârayedh : ça va mieux en le disant !
Répondant aux interventions des constituants, le ministre de l’Intérieur Ali Lârayedh, a estimé que la situation sécuritaire s’est améliorée dans les différentes régions du pays grâce «aux efforts déployés par les forces de sécurité et à leur sens du devoir».
Il a évoqué les réformes engagées par son département dans divers domaines portant notamment sur la vision sécuritaire, la mission de l’agent de police, ainsi que les réformes législatives et celles liées à la formation et au renforcement de la logistique de l’appareil sécuritaire.
M. Lârayedh a salué, à cet égard, le soutien apporté par l’institution militaire à l’appareil sécuritaire, en particulier, dans les régions où celui-ci rencontre des difficultés pour faire régner la sécurité et lutter contre les crimes.
S’agissant de la décision d’interdire l’organisation de manifestations sur l’avenue Habib Bourguiba, le ministre a estimé que l’artère principale de la capitale est une vitrine de grande importance à l’activité commerciale et touristique, indiquant que cette décision a été prise à la suite des incidents qui ont eu lieu entre les participants aux deux marches, dimanche dernier, sur la même artère.
«Il était impérieux d’atténuer la pression sur l’avenue H. Bourguiba», a-t-il relevé en n’excluant pas la possibilité de lever l’interdiction en cas de réduction des manifestations et en l’absence de dépassements.
Evoquant les sit-in et les incidents de violence qui ont eu lieu dans plusieurs régions du pays, le ministre de l’Intérieur a relevé que «la patriotisme commande d’avoir une vision commune des priorités pour empêcher les conflits nourris de références régionales ou des ‘‘ârouch’’ (clans ou tribus) ou encore stimulés par des convictions religieuses sans pour autant limiter la liberté d’expression ou de mouvement».
Les slogans hostiles contre la communauté tunisienne juive sont «dangereux». Ils n’expriment pas le civisme des Tunisiens, n’améliorent pas leur image à l’extérieur et ne servent pas les intérêts de la Tunisie sur le plan du tourisme et en matière d’attraction d’investissements étrangers, a-t-il ajouté.
Il a dénoncé également l’appel à la mort de l’ancien Premier ministre Béji Caid Essebsi, soulignant «ce n’est pas avec de tels agissements que les Tunisiens jetteront les bases d’une démocratie dans le pays».
Au sujet des récentes nominations, M. Lârayedh a affirmé que «les personnes en question ne représentent pas le ministre mais l’Etat». Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont aucune appartenance, a-t-il rétorqué. Ils sont, toutefois, en devoir de séparer leur mission professionnelle de leur appartenance politique, a-t-il dit.
Sur un autre registre, le ministre de l’Intérieur n’a pas confirmé l’éradication totale de la torture en Tunisie «malgré les consignes claires en ce sens», annonçant la création d’une commission pour chercher la vérité concernant les mauvais traitements qu’auraient subis les détenus accusés dans l’affaire de Bir Ali Ben Khalifa.
I. B. (avec Tap).