Dans un communiqué diffusé jeudi, la Banque centrale de Tunisie (Bct) rappelle au gouvernement Hamadi Jebali que la conduite de la politique monétaire est de son ressort. Duel à fleurets mouchetés.


Si le gouverneur de la Bct, Mustapha Kamel Nabli, dont on connaît la discrétion et le doigté, a senti le besoin de rappeler au gouvernement que la mission de veiller sur la politique monétaire, de préserver la stabilité des prix et du système financier lui revient de droit, et ce conformément à l’article 33 de la loi n° 1958-90 portant création et organisation de l’institution d’émission, c’est parce que le programme de travail du gouvernement pour l’année 2012, ayant trait au secteur bancaire et à la politique monétaire, a inclus une mesure portant sur l’adoption d’une politique monétaire expansionniste et de taux d’intérêt bas.

Si elle devait être prise, une pareille mesure serait du ressort du gouverneur de la Banque centrale, premier responsable de «la conduite de la politique monétaire en rapport avec l’évolution de la situation économique et financière, objet d’un suivi continu et rigoureux, et ce, dans le cadre de l’indépendance de la Banque centrale consacrée par la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics», précise le communiqué.

Comment interpréter cet épisode pour le moins inédit dans l’histoire de la république tunisienne? L’intrusion du chef du gouvernement dans les prérogatives du gouverneur de la Banque centrale est elle préméditée ou est-elle le résultat d’une méconnaissance des modes de fonctionnement de l’Etat?

On sait que Hamadi Jebali, avant même sa prise de fonction, avait voulu nommer l’un de ses proches, Béchir Trabelsi, ancien Pdg de la Société tunisienne de banque (Stb), à la tête de la Banque centrale et que l’information, ébruitée par les médias, avaient alors suscité une levée de bouclier dans le pays et alimenté un vif débat sur la nécessité d’assurer l’indépendance de la Banque centrale du pouvoir exécutif.

M. Jebali a-t-il voulu, en incluant la mesure contestée dans le programme de son gouvernement, rendre à M. Nabli, en marchant ainsi sur ses platebandes, la monnaie de sa pièce? Ou cherche-t-il, plus sérieusement, à s’emparer de cette institution, qui joue un rôle important dans la régulation financière du pays, pour la mettre au service de ses programmes économiques? Le sentiment, partagé par la plupart des membres du gouvernement, que l’administration publique ne se montre pas très coopérative à leur égard, justifie-t-il les passages en force comme celui dont a fait l’objet la Banque centrale?

R. K.