Après l’agression des chômeurs qui ont manifesté samedi matin à Tunis, l’Ugtt et la Ltdh interpellent le ministère de l’Intérieur, qui invoque sa décision de ne pas autoriser cette manifestation.


Le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’un groupe de jeunes diplômés chômeurs tentaient samedi d’organiser une marche à l’avenue Habib-Bourguiba à Tunis, sans en avoir l’autorisation.

Le ministère de l’Intérieur a justifié le refus de l’autorisation de cette marche en application de la décision prise par le ministère le 28 mars dernier interdisant les marches à l’avenue Habib-Bourguiba pour des «considérations relatives à la protection des biens publics et privés notamment les commerces et les établissements touristiques et la fluidité de la circulation».

Ministère de l’Intérieur : 6 agents de l’ordre blessés

Selon un communiqué du ministère, «un grand nombre de jeunes se sont rassemblés à la place Mohamed Ali, puis se sont dirigés vers l’avenue Habib Bourguiba avant d’être empêchés de poursuivre leur marche par les forces de l’ordre au niveau du croisement de l’avenue de France».

«Les manifestants ont été enjoints de faire marche arrière. Mais devant leur insistance accompagnée de violence, la police est intervenue pour les disperser», explique le ministère.

Le ministère de l’Intérieur précise que les manifestants, qui sont retournés à la place Mohamed Ali, ont réessayé de parvenir à l’avenue Habib-Bourguiba en lançant des pierres contre les forces de l’ordre blessant 6 agents qui ont été transférés à l’hôpital.

Le ministère de l’Intérieur, qui n’indique pas le nombre des blessés parmi les manifestants, comme si cela ne le regardait pas, rappelle qu’une demande d’autorisation de cette manifestation a été déposée jeudi 5 avril par l’un des organisateurs, membre de l’Union des diplômés chômeurs (Udc), au district de la sûreté nationale de Bab Bhar, au centre-ville de Tunis, qui a été rejetée en raison de l’interdiction de manifester à l’avenue Habib Bourguiba, précisant que cette mesure ne concerne pas les autres artères de la ville.

Le ministère de l’Intérieur affirme «son attachement à protéger le droit des citoyens à s’exprimer et à manifester pacifiquement au même titre que son souci de garantir le respect de la loi, ainsi que les intérêts publics et privés».

Ugtt: «une agression intolérable»

Autre son de cloche: celui bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), qui a dénoncé les agressions contre les chômeurs qui manifestaient pour revendiquer leur droit à l’emploi, recommandant l’ouverture d’une enquête pour déterminer les responsabilités.

Dans un communiqué rendu public, samedi, l’Ugtt a appelé le ministère de l’Intérieur à «mettre fin à l’usage de la force contre les manifestants», précisant que «le droit de manifester et de protester constitue un acquis et que la poursuite de l’interdiction ne peut qu’engendrer des tentions et des atteintes aux libertés».

Le bureau exécutif de l’Union a réitéré son refus de la décision interdisant les manifestations à l’Avenue Habib Bourguiba.

L’organisation syndicale exprime, par la même occasion, son adhésion aux revendications légitimes des chômeurs dont le droit à l’emploi et sa compréhension vis-à-vis des protestataires qui s’étaient réfugiés à la Place Mohamed Ali, après la fermeture de l’avenue Bourguiba aux manifestants.

La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (Ltdh) a dénoncé, elle aussi «l’agression intolérable contre les participants à la marche pacifique» que tentait d’organiser l’Udc.

Ltdh: le droit à un travail décent pour préserver la dignité

Dans son communiqué, la Ltdh indique que «des agents de l’ordre en civil et aussi en uniformes ont agressé violemment les organisateurs de ce mouvement alors qu’ils tentaient de manifester sur l’avenue Habib Bourguiba causant de nombreuses blessures parmi les manifestants en plus de l’arrestation de plusieurs citoyens».

La Ltdh souligne l’impératif de respecter le droit des citoyens à manifester pacifiquement, conformément à ce qui est garanti dans les lois et les chartes internationales ratifiées par la Tunisie, précisant que ce droit «ne peut être limité suite à une décision ministérielle».

La Ltdh affirme son soutien aux revendications légitimes des chômeurs, précisant que «les autorités auraient dû traiter la question du chômage et lui trouver des solutions urgentes au lieu de réprimer ses victimes».

L’organisation demande «la libération immédiate des personnes arrêtées et l’ouverture d’une enquête pour identifier les agresseurs et les poursuivre en justice», annonçant la constitution d’un collectif d’avocats pour défendre les manifestants.

La Ltdh rappelle que l’Union des chômeurs a tenté d’organiser une marche pacifique, samedi, à l’avenue Habib-Bourguiba «après en avoir informé les autorités dans les délais». Le but était de revendiquer le droit à un travail décent, un droit fondamental pour préserver la dignité, estime la Ligue.

I. B. (avec Tap).