Les milliers de Tunisiens et de Tunisiennes, qui sont descendus lundi 9 avril, au centre-ville de Tunis, pour célébrer la Journée des Martyrs, sont des «anarchistes staliniens», mais ils ne le savent pas.
C’est ainsi, en tout cas, que le a qualifiés, avec tout le sérieux qu’on lui connaît, Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, le mouvement islamiste tunisien au pouvoir.
«Certaines parties»… derrière les troubles
Ce dernier, un fervent adepte de la théorie du complot, parlait au cours d’une conférence de presse, mardi, au siège de son parti, au quartier d’affaires de Montplaisir, à Tunis. Il a accusé «certaines parties» qu’il a qualifiées d’«anarchistes staliniennes», d’être à l’origine des troubles qui opposé lundi forces de l’ordre et manifestants à l’occasion de la célébration de la Journée des Martyrs.
«La Tunisie n’est pas menacée par la dictature, mais par l’anarchie», a-t-il lancé. C’est dans ce cadre qu’il a cru pouvoir situer les heurts au cours desquels la police a violemment repoussé les manifestants, pour les chasser de l’avenue Bourguiba, principale artère de la capitale, interdite aux manifestations depuis près de deux semaines par décision du ministère de l’Intérieur, mais aussi dans les rues avoisinantes. Ces heurts ont causé de nombreux blessés des deux côtés et conduit à des interpellations dont le nombre n’a pas été précisé.
Alors que les partis politiques, dont les deux autres membres de la troïka au pouvoir (Cpr et Ettakatol), les organisations non gouvernementales et plusieurs membres de l’Assemblée nationale constituante (Anc), qui ont subi les violences policières à l’instar des autres manifestants, ont condamné la violence démesurée infligée par les policiers aux citoyens et exigé des enquêtes indépendantes sur les abus commis et leurs auteurs, M. Ghannouchi n’a pas trouvé mieux que de pointer du doigt «des parties qui après leur échec aux élections, empruntent une voie anarchiste stalinienne pour tenter d’obtenir dans la rue ce qu’ils n’ont pas pu avoir par les urnes».
Pas de milice d'Ennahdha
Le chef islamiste n’a pas nommé les parties visées, il a toutefois précisé qu’il ne mettait pas en cause toute l’opposition «dont certains partis étaient nos alliés».
M. Ghannouchi a, par ailleurs, rejeté les accusations selon lesquelles des milices d’Ennahdha auraient prêté main forte aux forces de l’ordre pour réprimer les manifestants, alors que des témoignages, des images et des vidéos, diffusés sur les réseaux sociaux et les médias, montrent clairement des individus interlopes, munies de bâtons, qui prêtaient main forte aux policiers. Quelques uns de ces individus ont été identifiés, par des internautes, en comparant des images, comme ayant fait partie du service d’ordre d’Ennahdha en plusieurs occasions.
Ce mystère, comme celui des «parties» qui complotent contre le gouvernement ne sauraient être levés sans une enquête sérieuse et, surtout, indépendante.
Imed Bahri