Le 11 avril 2002, un attentat-suicide à la synagogue Ghriba de Djerba a fait 21 morts. 11 ans après, le président de la République est allé commémorer cet événement tragique, avec la communauté juive tunisienne.
Il s’agit d’une première. Moncef Marzouki est, en effet, le premier président à se rendre à la synagogue de la Ghriba pour commémorer les victimes de cet attentat, commis par un Tuniso-français vivant à Lyon Nizar Naouar (25 ans), mort dans l’attentat, et qui était lié au réseau Al-Qaïda.
Hommage aux 1.500 Tunisiens de confession juive
Ce geste va certainement atténuer un peu la colère des 1.500 juifs tunisiens menacés publiquement de mort par des salafistes, au cours d’une manifestation, le 25 mars à Tunis.
Le président Marzouki s’est rendu de l’aéroport de Tunis-Carthage à celui de Djerba-Zarzis, à bord d’un avion militaire. Il a été accueilli par le gouverneur de Médenine et les présidents des délégations spéciales des municipalités de Houmet Souk, Midoun et Rjim Maâtoug. Etaient également présents les ambassadeurs de France, Boris Boillon, et d’Allemagne, Dr. Horst-Wolfram Kerll.
Il est à rappeler que les 21 morts de l’attentat de Djerba étaient Allemands (14), Français (2) et Tunisiens (5).
La visite présidentielle a été annoncée le 9 avril dans l’émission ‘‘Hadith Essaâ’’ de la chaîne nationale Al Watanya I, diffusée en direct du palais de Carthage. «Je dénonce fermement ces menaces. D’ailleurs, je vais me rendre dans deux jours à Djerba pour commémorer les morts de la Ghriba», a-t-il répondu à notre collègue Elyes Gharbi, qui l’a interrogé à propos des menaces proférées par des extrémistes religieux à l’encontre des minorités en Tunisie.
Perez Trabelsi, président du comité de la Ghriba et de la communauté juive de Djerba, a estimé que «la visite du président Marzouki vient renforcer le rapprochement entre juifs et musulmans tunisiens, et consolider la coexistence pacifique», considérant également que «c’est un message de paix adressé à tous les juifs de la terre pour qu’ils effectuent cette année le pèlerinage de la Ghriba en toute tranquillité».
Le Grand Rabbin de Tunisie Haïm Bittan a souligné que «ce site sacré, ancien et simple, est le symbole de la fraternité entre juifs et musulmans».
Rejet de toute forme de ségrégation à l'encontre des Juifs
Le président, qui a porté, pour l’occasion, une chéchia rouge écarlate, a dévoilé une plaque commémorative posée devant la synagogue, à la mémoire «des tunisiens et des hôtes de la Tunisie tombés en victimes de cette lâche agression», a-t-il dit, exprimant sa vive compassion avec les familles des victimes. Il a également posé une gerbe de fleurs en souvenir des victimes.
«Les Tunisiens, profondément attachés aux valeurs de tolérance et de modération prônées par l’islam et par les principes des droits de l’Homme, rejettent toute forme de violence ciblant des civils innocents», a indiqué le président de la république dans une allocution prononcée à l’intérieur de la synagogue.
«Toute ségrégation à l'encontre des juifs, de leurs vies, leurs biens et leurs croyances est totalement rejetée», a-t-il ajouté, affirmant que «les juifs font partie intégrante de notre peuple. Ils ont tous les droits et obligations, et leur violation constitue une agression contre tous les Tunisiens».
Dans son allocution, le président de la République a rendu hommage aux victimes innocentes, Tunisiens, Allemands et Français, et a réitéré «le refus des Tunisiens de toute forme de violence, eu égard aux principes islamique de tolérance et de respect de toutes les religions». Il a aussi souligné son «rejet de toute forme de ségrégation à l’égard de nos concitoyens juifs, et de tous propos ou actes pouvant menacer leur dignité ou leur vie», rappelant que «l’Etat civil est déterminé à protéger tous ses citoyens et à les traiter sur le même pied d’égalité».
Le président a profité aussi de l’occasion pour condamner l’acte criminel qui a récemment ciblé des enfants juifs en France et appelé les enfants de la communauté juive de Tunisie à visiter le Palais de Carthage.
Le discours du président a été conclu par l’observation d’une minute de silence à la mémoire des victimes de l’attentat de Djerba.
Le président a ensuite visité la synagogue, en compagnie de M. Perez, qui en lui a présenté l’histoire deux fois millénaire de ce lieu de culte. Il a aussi rencontré les familles des victimes de l’attentat, qui ont dénoncé «l’indifférence et la négligence de l’ancien régime».
Z. A.