Les autorités tunisiennes doivent enquêter sur les informations faisant état de violences commises, le 9 avril, par les forces de sécurité contre des manifestants à Tunis.


C’est ce qu’a déclaré Amnesty International, dans un communiqué rendu public mardi. L’organisation a ajouté que les autorités tunisiennes «doivent permettre à la population d’exercer son droit à la liberté de réunion».

Une infraction flagrante au droit international

Lundi 9 avril, les manifestants qui défilaient pour la fête des martyrs ont tenté d’emprunter l’avenue Bourguiba, dans le centre de Tunis, ce qui allait à l’encontre d’une décision du ministre de l’Intérieur interdisant les manifestations dans cette zone; les forces de sécurité se sont alors servies de gaz lacrymogène et de matraques pour les disperser.

Des dizaines de personnes ont été blessées lors de ces événements, y compris des membres des forces de l’ordre.

Le ministère de l’Intérieur a déclaré que les manifestations sur l’avenue Bourguiba étaient illégales.

«Prononcer une interdiction générale des manifestations pour éviter d’avoir à faire aux manifestants est une infraction flagrante au droit international. Les agissements des forces de sécurité montrent bien qu’il est urgent de mettre en place une nouvelle législation qui protège le droit de manifester pacifiquement en Tunisie», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. 

Des manifestants roués de coups

«Tant que resteront en vigueur des lois héritées de la période que Zine el Abidine Ben Ali a passée à la tête du pays, de telles violations du droit de réunion pacifique se poursuivront. Il est incroyable de voir que non seulement le nouveau gouvernement tunisien s’appuie sur des lois aussi draconiennes, mais qu’en plus il interdit les manifestations précisément dans la rue devenue un symbole du soulèvement.»

Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Tunis, lundi 9 avril, à la mémoire des personnes tuées par l’armée coloniale française en 1938 et de celles tuées lors du soulèvement de 2011. 

Les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène pour disperser les  manifestants qui entraient dans l’avenue Bourguiba. Ces derniers ont répliqué avec des insultes avant que la police, armée de matraques et lançant de nouvelles grenades lacrymogènes, charge la foule. Les policiers ont ensuite repoussé les manifestants et les personnes qui fuyaient le gaz lacrymogène dans des rues latérales.

Certaines des personnes présentes sur l’avenue Bourguiba ont indiqué à Amnesty International que d’autres individus, en civil, ont roué de coups des manifestants et semblaient prendre pour cible les journalistes et les militants politiques ou de la société civile.

Journalistes et militants ciblés

Zied Hani, membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), a déclaré à Amnesty International qu’il avait été poussé et insulté par des hommes en civil. Il a expliqué que ses assaillants ont également agressé Khemaies Ksila, membre de l’Assemblée constituante, Ahmed Sadiq, avocat et membre du Barreau, et Jawhar Ben Mbarek, membre du mouvement Doustourna.

Des policiers témoins de ces agressions ne sont pas intervenus.

Un autre journaliste, qui travaille pour la chaîne de télévision Al Hiwar al Tounsi, a lui aussi été attaqué et sa caméra lui a été prise. Un membre du bureau d’Amnesty International Tunisie, Zouheir Makhlouf, a reçu des coups de pied et a été frappé avec l’extrémité d’un lance-grenades lacrymogènes.

«Les autorités tunisiennes doivent ouvrir une enquête sur ces violences et traduire en justice les responsables présumés. Le ministère de l’Intérieur doit immédiatement préciser le statut des hommes en civil qui semblent avoir agressé des manifestants», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui.

Samedi 7 avril, des centaines de personnes, qui participaient à une manifestation organisée par l’Union des diplômés chômeurs pour réclamer des opportunités d’emploi, avaient été dispersées avec la même violence. Au moins 37 d’entre elles avaient été battues, notamment à coups de pied, et libérées peu après.

Belgacem Ben Abdallah, syndicaliste, a expliqué à Amnesty International que les forces de sécurité l’avaient frappé à la tête et dans le dos à l’aide de matraques et lui avaient donné des coups de pied sur tout le corps.

«Il faut que les autorités et les législateurs tunisiens profitent de l’élaboration d’une nouvelle constitution pour rompre avec les pratiques du passé et entériner le droit de manifester et de se réunir pacifiquement», a souligné Hassiba Hadj Sahraoui.