D’anciennes prisonnières politiques ont témoigné, au cours d’une rencontre, mercredi, à Tunis, de leurs souffrances sous l’ancien régime. Descente dans les enfers du «Balad Al-Farah Addaîm»…

Les propagandistes du régime de Ben Ali appelaient la Tunisie, sans ironie aucune, «Balad Al-Farah Addaïm» (littéralement: le pays de la joie éternelle»). Du pays, on ne montrait souvent dans les médias locaux et étrangers, que les images pittoresques de Sidi Bou Saïd, de Hammamet et Djerba. Mais sous la plage, il y avait l’humiliation, la torture physique et morale, et la désespérance de pans entiers de la population. Cette réalité remonte aujourd’hui à la surface avec son lot de sang, de larmes et de rage aux tripes.

Episodes noirs derrière les barreaux

Son jeune âge ne l’a pas épargnée des persécutions de la police politique qui l’avait arrêtée devant son lycée lui infligeant ensuite toute sorte de torture pour être, en fin de compte, condamnée à trois ans de prison pour appartenance à une association non autorisée et participation au déclenchement d’explosions.

Monia Akili refuse de parler de cet épisode noir de sa vie passé derrière les barreaux et au cours duquel elle a subi les pires exactions dont les séquelles physiques et morales persistent encore, a-t-elle témoigné lors d’une rencontre, mercredi au ministère des Affaires de la femme.

Cardiaque et asthmatique, Monia rate assez souvent ses rendez-vous avec son médecin en raison de manque de moyens. Pourtant ce qu’elle revendique, aujourd’hui, c’est son dossier carcéral qui semble, estime-t-elle, avoir été détruit, comme beaucoup d’autres dossiers pour masquer les crimes de l’ancien régime.

La rencontre qui a réuni la ministre des Affaires de la femme et de la Famille, Sihem Badi, avec les membres de l’association «Femmes Tunisienne», a été l’occasion d’écouter les témoignages d’autres femmes incarcérées pour avoir lutté pour la liberté d’opinion. Elles ont toutes parlé des graves sévices corporels et psychologiques subies pendant de longues années et décrit la hargne et l’esprit de vengeance de l’ancien régime avec ses opposants.

Réhabilitation et prise en charge psychologique

Les femmes présentes à la réunion n’ont pu retenir leurs larmes en écoutant ces témoignages émouvants et bouleversants de ces anciennes prisonnières dont la souffrance ne s’est pas limitée aux années passées en prison. Sorties de prison, elles restent sous la surveillance de la police politique et soumises à une nouvelle forme de torture insupportable.

Hayet Ayadi, incarcérée injustement pendant six mois, a résumé cette souffrance en une phrase: «Après ma libération, j’ai regretté d’avoir quitté la prison, la persécution ayant touché ma famille, sans parler du mépris de la société, de l’exclusion sociale», a-t-elle dit.

Les anciennes prisonnières politiques revendiquent, aujourd’hui, d’être réhabilitées et de garantir une prise en charge psychologique des victimes qui en ont besoin. Elles ont appelé à ouvrir les dossiers des procès injustes intentés à leur encontre.

Mme Badi a exprimé son soutien plein et entier aux militantes de la liberté et de la démocratie, s’engageant à leur garantir la réhabilitation qu’elles méritent dans le cadre de la justice transitionnelle.

L’association ‘‘Femmes Tunisiennes’’ organise le 22 avril une journée d’information et de sensibilisation consacrées aux anciennes prisonnières politiques.

I. B. (avec Tap).