Les trois présidents provisoires connaissent les objectifs et les mécanismes de la justice transitionnelle. Quant à la mettre en œuvre, il va falloir attendre que le ministre en charge du dossier en débatte avec la terre entière…


Les travaux de la conférence nationale pour le lancement du dialogue sur la justice transitionnelle en Tunisie se sont déroulés samedi au Bardo.

Les trois présidents (président de la république, chef du gouvernement et président de la constituante) ont souligné, dans leurs allocutions, que la mise en œuvre de la justice transitionnelle exige une volonté politique, un cadre législatif et un degré minimum de concorde politique et sociale.

Ils ont affirmé la nécessité de répondre aux revendications du peuple tunisien après la révolution, appelant à hâter le jugement des responsables des violations des droits humains dans les dernières décennies, avant de passer aux phases de vérité et de réconciliation.

La faute à Béji Caïd Essebsi

La légitimité d’un gouvernement ne se mesure pas aux résultats des urnes autant qu’aux réalisations accomplies par ce gouvernement pour le peuple, a indiqué le président de la république provisoire Moncef Marzouki. «La volonté politique de mettre en œuvre la justice transitionnelle existe», a-t-il affirmé, prévenant que «justice ne doit pas être vengeance ou représailles». «L’exigence de rendre des comptes ne vise pas les personnes autant que les institutions. Elle a vise à réhabiliter les victimes et à rendre justice», a encore dit le président de la république.

M. Marzouki a, en outre, évoqué les obstacles à la justice transitionnelle dus, a-t-il considéré, aux «manœuvres orchestrées par le précédent gouvernement pour saboter le travail de toute autorité issue des élections». Ces manœuvres, a-t-il cependant ajouté, ne peuvent pas servir d’alibi à l’actuel gouvernement pour ne pas avancer sur la voie des réformes. L’Assemblée Constituante et le gouvernement sont donc appelés à surmonter ces obstacles et à réaliser les objectifs de la révolution, a-t-il encore lancé.

Le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar a pour sa part indiqué que l’article 24 de la loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics énonce la promulgation d’une loi organique qui définit les assises et les champs d’intervention de la justice transitionnelle.

«La justice transitionnelle, qui vise à restaurer les droits et à prévenir l’impunité des criminels, est également un outil pour l’édification d’un nouveau système, la concrétisation de la transition démocratique et l’enracinement de la démocratie et des droits de l’homme», a-t-il enchaîné.

Ben Jaâfar est revenu sur plusieurs exemples de justice transitionnelle dans des pays qui ont connu des révolutions. Les spécificités du peuple tunisien et le caractère pacifique de sa révolution influenceront la marche de la justice transitionnelle dans le pays», a-t-il lancé.

Il a, par ailleurs affirmé «comprendre» les critiques, émanant notamment des victimes, concernant la lenteur du processus, mais il a justifié que ce dossier nécessite une lecture globale qui implique tous les intervenants.

C'est l'affaire de tous les Tunisiens

Le chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali a indiqué, de son côté, que la réussite des mécanismes de la justice transitionnelle «n’est pas la responsabilité du gouvernement uniquement mais une responsabilité collective en tant que dossier national qui intéresse l’ensemble des tunisiens». Il s’agit, a-t-il expliqué, de rompre avec toutes les formes de transgression des droits de l’Homme commises lors des dernières décennies.

Il a, dans ce sens, mis l’accent sur le rôle de l’Assemblée constituante en tant qu’autorité législative en la matière.

M. Jebali a souligné l’importance d'identifier les causes de la dictature, avant de passer en revue les pas franchis sur la voie de la réconciliation et la restauration de la primauté de la loi dans le cadre de la concorde sociale.

Les principales réalisations prévues en faveur de la justice transitionnelle sont, a-t-il précisé, «la création d’un ministère à cet effet, la promulgation d’une loi spécifique et la création d’associations des victimes pour mieux faire connaître leurs dossiers».

L’ouverture de la conférence s’est déroulée en présence, notamment, de plusieurs membres du gouvernement, d’élus de l’Assemblée constituante, de partis politiques et d’organisations tunisiennes et internationales ainsi que de nombreuses personnalités nationales.

Source : Tap.