Que peut faire un président provisoire et sans grands pouvoirs que d’énoncer des principes généraux de bonne gouvernance et d’envoyer des messages codés à un gouvernement sur lequel il n’a aucune emprise?


C’est le cas du président de la république provisoire Moncef Marzouki, allié d’Ennahdha au sein de la coalition au pouvoir, qui n’est pas d’accord avec tout ce que fait le gouvernement actuel dominé par ses alliés islamistes, mais qui se garde d’adresser la moindre critique directe à ce gouvernement, se contentant de rappeler les principes généraux de bonne gouvernance et de faire des leçons magistrales sur le respect des droits humains. Ses mots et ses petites phases ont certes, parfois, valeur de rappel à l’ordre, mais quelle influence ont-ils vraiment sur le gouvernement?

Non à l’instrumentalisation politique des services de sécurité

«Nous ne voulons pas aujourd’hui que l’appareil sécuritaire soit instrumentalisé au service d’un parti, d’une organisation ou d’un individu», a ainsi affirmé le président de la République provisoire Moncef Marzouki, qui parlait quelques jours après les violences commises par les forces de l’ordre contre les habitants du quartier d’Al-Mallaha à Radès, au sud de Tunis. Ces mêmes forces de l’ordre qui avaient lourdement réprimé, également, le 9 avril, les manifestants venus célébrer la Fête des Martyrs sur l’avenue Habib Bourguiba.

«Nous voulons plutôt une institution sécuritaire au service de la patrie et du citoyen, une institution qui veille à nouer des relations avec le citoyen sur la base de la confiance, de l’entente mutuelle et du respect des droits de l’Homme et de la primauté de la Loi», a ajouté M. Marzouki, lors d’une cérémonie organisée, mercredi, à Carthage, à l’occasion du 56e anniversaire des forces de sécurité intérieure.

Les forces de l’ordre ne sont pas au-dessus de la loi

«Personne n’est au-dessus de la loi, y compris les forces de l’ordre», a-t-il averti, précisant que «ceux qui ont infligé des tortures et des sévices au peuple, sous leurs formes les plus ignobles et les plus atroces, n’ont fait que porter atteinte au corps de sécurité et à eux-mêmes avant de porter préjudice à leurs victimes».

«Le pays et le peuple ont besoin d’un véritable climat de sécurité et non d’une sécurité fallacieuse», a-t-il dit, appelant l’appareil sécuritaire à respecter la loi et à lutter contre toute tentative visant à enfreindre la loi ou à porter atteinte aux individus et à leurs biens».

Par ailleurs, M. Marzouki a souligné l’impératif de continuer d’apporter des réformes législatives et structurelles à l’institution sécuritaire, de la doter de tous les équipements et moyens nécessaires et d’améliorer les méthodes de formation et d’apprentissage, de manière à réussir l’adéquation entre les objectifs de la révolution et la consécration des droits de l’homme d’une part et les attributs de l’efficacité sécuritaire d’autre part. Il a, également, mis l’accent sur la nécessité d’améliorer les services sociaux destinés aux forces de sécurité intérieure.

«Marzouki? Combien de divisions?»

D’autre part, le président de la République a souligné que «le maintien de la sécurité et de la stabilité du pays et la consécration de la justice transitionnelle constituent la condition sine qua non pour reconstruire le pays après la faillite du système causée par la répression, l’oppression et la corruption».

«Le pape? Combien de divisions?», répondait Staline à ceux qui l’avertissait sur les conséquences de sa décision d’envahir l’Europe de l’Est sur la position du Vatican. Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, ou Ali Lârayedh, ministre de l’Intérieur, lui aussi dirigeant d’Ennahdha, pourraient bien paraphraser le despote soviétique: «Marzouki ? Combien de divisions?»

I. B. (avec Tap).