A l’appel lancé par le Parti républicain et la Voie démocratique et sociale, un rassemblement a eu lieu mercredi à midi devant le Théâtre municipal de Tunis. En guise de solidarité avec les journalistes de la Télévision nationale.

Reportage de Zohra Abid


Et pas seulement.  Car, avec ce rassemblement, les partis de l’opposition ont voulu aussi manifester leur colère contre les dernières déclarations de certains leaders du parti Ennahdha (au pouvoir) qui appellent à la privatisation des médias publics.

Plusieurs députés ont été au rendez-vous, notamment Maya Jeribi, Nejib Chebbi, Issam Chebbi, Iyad Dahmani, Ahmed Brahim, Samir Taïeb, Khemaïes Ksila… mais ce qui retient l’attention, c’est que les journalistes, alors qu’il s’agit de leur cause, n’étaient pas vraiment très nombreux.

 

Députés et citoyens discutent ferme

Le refus de soumission au gouvernement

La manifestation, grandement quadrillée par des agents en uniforme et en civil, a duré une petite heure tout au plus. La foule s’est dispersée au fil des minutes après avoir scandé des slogans et chanté l’hymne national, laissant quelques citoyens discuter entre eux de l’avenir des médias dans le  pays.

Les uns défendent la cause des journalistes, les autres les blâment. Mais aucun accrochage n’a eu lieu. Il y eut seulement un dialogue, mais un dialogue de sourds. Et chacun a campé sur sa position.

«S’ils veulent la réforme, ils auraient dû, eux mêmes, observer le sit-in pour déboulonner les clous roués. Mais, ils ne font aucun effort. Personnellement, je refuse de payer ma contribution à la facture de la Steg. Je suis convaincu que la télévision est encore mauve (couleur emblématique de Ben Ali et de son régime, Ndlr)», témoigne l’un des présents. «Pour ma part, je refuse de voir les mêmes personnes, qui ont longuement chanté les louanges de Ben Ali, continuer comme si de rien n’était, sans un soupçon de honte, et pérorer sur le petit écran», rajoute un autre. «Les journalistes se connaissent bien, qu’ils dévoilent les noms de leurs collègues impliqués dans l’ancien régime et qui ont touché beaucoup d’argent», renchérit un troisième.

 

Les journalistes avertissent qu'ils ne se laisseront plus faire

Manœuvres, pressions et harcèlement

De l’autre côté, on dénonce les déclarations de Rached Ghannouchi, président du parti islamiste Ennahdha (au pouvoir) et de Ameur Laârayedh, l’un de ses représentants à l’Assemblée nationale constituante (Anc), concernant le projet de privatisation de la télévision nationale. Ce sont ces déclarations intempestives qui ont inspiré, selon eux, le sit-in organisé par un groupe d’individus devant le siège de l’Etablissement de la télévision nationale. Ce sit-in, qui a duré 55 jours, a dégénéré en affrontements, mardi, entre les sit-inneurs et les journalistes, avant d’être levé, mercredi matin, après l’intervention du procureur de la république.  Il est vrai que la télévision a besoin d’être assainie et réformée, mais cette opération doit être réalisée par des professionnels et sans l’intervention du pouvoir exécutif. Ils disent aussi qu’il n’est pas question de céder aux privés les médias publics, qui sont au service des contribuables et non du gouvernement. Celui-ci ne devrait pas foutre son nom dans les affaires des médias publics, comme cela se faisait sous l’ancien régime et dont les conséquences sont connues de tous.

 

Mobilisés pour protéger les journalistes et les militants des droits de l'homme

Ennahdha et sa milice se trompent plus de cible

«Lorsqu’on a essayé de nous acheter, comme l’avait fait auparavant Ben Ali, et que nous avons fait de la résistance, ils ont alors pensé à nous vendre. Qu’ils sachent que nous n’appartiendrons jamais ni à un parti, qu’il soit au pouvoir ou pas, ni à un gouvernement quelconque. Et puis, les activités gouvernementales, qu’on nous reproche de ne pas couvrir assez, si elles n’ont aucune importance, nous la zapperons et couvrirons d’autres faits qui intéresseront davantage les citoyens», explique l’un des journalistes de la télévision. Parlant au nom de tous ses collègues, ce dernier ajoute qu’ils ne vont pas «se laisser faire» et que «malgré les harcèlements et les violences» dont ils font l’objet, ils vont «continuer le combat et qu’Ennahdha et sa milice ne se trompent plus de cible. 13 heures 30, le rassemblement s’effiloche. Et les manifestants se dispersent dans le calme.

«Allez, on monte, on nous appelle à intervenir ailleurs», lance un responsable du ministère de l’Intérieur à ses troupes en uniforme, sans ironie aucune.