Conséquence de la crise économique, mais pas seulement, un vent mauvais souffle sur les pays européens actuellement, où l’on assiste à une montée inquiétante de la xénophobie, du racisme et de l’islamophobie.
Par Jamel Dridi
Fait historique qui crée une polémique en Allemagne, l’ouvrage d’Hitler, ‘‘Mein Kampf’’, longtemps interdit d’édition, vient d’obtenir l’autorisation d’édition en Allemagne. Inutile de rappeler qui était Hitler et les thèses racistes véhiculées par son livre.
En France, le Front national, parti d’extrême droite qui véhicule des thèses islamophobes, a obtenu un score de 20% au premier tour des élections présidentielles, soit pas moins de 6,5 millions d’électeurs!
En suisse, plus rien n’arrête les extrémistes de droite qui n’hésitent plus à caricaturer l’islam et les musulmans notamment au travers d’affiches les représentant en moutons noirs à chasser du pays.
Affiche anti-minaret en Suisse
Rapport accablant d’Amnesty International
Un phénomène très sérieux. Au point tel que l’organisation Amnesty International vient de livrer un rapport tout autant détaillé qu’inquiétant sur la vague de racisme et d’islamophobie qui se développe en Europe. Amnesty international allant même jusqu’à pointer du doigt la responsabilité de certains dirigeants européens dans la montée du racisme et de l’islamophobie.
La situation devient en effet de plus en plus inquiétante. De voir des femmes voilées interdites de travail et insultées dans la rue n’est plus exceptionnel. Dans le monde du travail aussi, les discriminations existent fortement, comme le précisent le rapport d’Amnesty International, au point tel que certains Français d’origine arabe ou de confession musulmane sont frappés par 4 fois plus de chômage que les autres (Rapport d’AI–‘‘Choix et préjugés: la discrimination à l’égard des musulmans en Europe’’).
Islamophobe et fier de l'être...
Les politiciens surfent sur la vague islamophobe
Les raisons de cette montée islamophobe, tout autant impressionnante qu’inquiétante, doivent être recherchées dans la crise économique terrible que traverse actuellement l’Europe.
L’Histoire nous l’enseigne: à chaque fois que l’Europe a traversé une crise de cette ampleur, elle a connu un reflexe fort de repli, recherchant des boucs émissaires. Mais cela ne suffit pas à expliquer ce vent mauvais. Les politiques ont aussi une énorme responsabilité dans le virage xénophobe que prennent certains pays. A défaut de trouver des réelles solutions à la crise, ils stigmatisent des populations spécifiques pour faire diversion. En l’occurrence, les boucs émissaires, ce sont les musulmans.
C’est bien sûr une faute qui en émeut plus d’un. Ainsi, le journal ‘‘Le Monde’’ du 25 avril 2012 publie un éditorial où il fustige le comportement de Nicolas Sarkozy. Il souligne fortement le fait que «l’empathie de Nicolas Sarkozy pour les thématiques du Front national est une faute politique, une faute morale et un aveu d’impuissance».
Inutile de rappeler ici les sorties médiatiques islamophobes et les attaques non voilées contre l’islam de certains politiques français.
Le profil du suspect idéal
L’Union européenne en difficulté
Facteur aggravant de cette mauvaise route que prennent les pays européens. La fragilité que connaît l’Union européenne (Ue) actuellement. A noter d’ailleurs que tous les partis racistes d’extrême droite entretiennent une guérilla médiatique acharnée contre l’Europe et ses institutions.
Cette faiblesse, qui risque de durer concomitamment à la crise de la dette des pays européens, n’arrange rien. En effet, historiquement, c’est au moment où les pays étaient indépendants et non liés par le Traité de Rome ou l’UE que les nationalismes de droite ont connu leur période de gloire. C’est d’ailleurs pour cela que l’Europe a été en partie créée: pour conjurer, par une union économique et politique, les risques de dérapage d’un des pays de l’UE. Aujourd’hui, cette faiblesse de l’UE facilite donc la montée des thèses xénophobes.
Slogans anti-musulmans font partie de l'ordinaire des villes européenne
L’Europe doit se ressaisir
Même s’il ne faut pas noircir la situation et espérer que le phénomène va se tempérer. Même si l’Europe n’est pas homogène et qu’il y dans les peuples européens une grande opposition au repli sur soi. Même si les institutions comme la Commission européenne (CE) réagissent. La CE s’est permis une sortie médiatique et inédite, le 24 avril, en s’inquiétant officiellement des résultats de l’élection française avec un taux historiquement haut du front national (20%). Même s’il y a tout cela, et que l’on veut rester optimiste, on ne peut qu’être inquiet face à ce vent mauvais qui semble souffler sur les pays européens actuellement.
On ose espérer que le temps des croisades est fini et que la conjoncture actuelle n’est qu’un «accident temporel» dans la longue histoire de l’Europe, terre d’esprit, des libertés et des lumières.