Lui, au moins, n’a pas attendu que son collègue Samir Dilou termine de consulter les experts de la terre et du ciel pour instruire et dévoiler les dossiers de corruption de son département.
Mohamed Ben Salem, ministre de l’Agriculture, a annoncé, vendredi, que 12 dossiers de corruption financière et administrative ont été examinés au niveau de son ministère et soumis à la justice et à la direction de la répression financière.
Des sanctions administratives ont même été prises à l’encontre des fonctionnaires indélicats.
Si tous les membres du gouvernement commençaient par faire le ménage autour d’eux, comme M. Ben Salem, une bonne partie du temps perdu par M. Dilou, ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitionnelle, serait épargné. Et la justice aurait moins de raisons de tergiverser, de temporiser et de botter en touche, comme elle le fait souvent ces derniers temps.
Au cours d’une conférence de presse tenue samedi, à Tunis, M. Ben Salem a annoncé que l’inspection générale au ministère de l’Agriculture a ouvert 27 dossiers de corruption concernant le cabinet du ministère de l’Agriculture et plusieurs directions générales et centrales, relevant du ministère, ainsi que certaines sociétés agricoles.
Des heures supplémentaires à la pelle
Au niveau du cabinet du ministre, M. Ben Salem a précisé que les résultats des enquêtes ont notamment révélé les cas d’un chauffeur qui obtenait mensuellement 895 dinars pour des heures supplémentaires et ce, pendant des années, et d’une secrétaire qui percevait 580 dinars par mois sous forme d’heures supplémentaires.
Il a indiqué qu’il a décidé de ne garder que 4 voitures sur les 8 mises à la disposition du cabinet du ministre et consommant 2.160 litres de carburants chaque mois. Cette opération permettra, selon le ministre, de réduire les quantités de carburants consommées, mensuellement, à 1.600 litres.
M. Ben Salem a, par ailleurs, annoncé l’interdiction de l'utilisation des voitures administratives (145 voitures), relevant de toutes les directions générales, en dehors des horaires administratifs.
Une voiture 4x4 et un chauffeur pour la secrétaire
Le ministre de l’Agriculture a passé en revue des dossiers de corruption au niveau de certaines directions générales, telle que la direction des forêts dont les dépassements s’élèvent à plus de 6,5 millions de dinars selon les estimations de l’inspection générale du ministère. Ce dossier sera soumis au chargé des litiges de l’Etat qui le soumettra à la justice.
Les principaux dépassements concernent l’achat de gros tracteurs à prix élevés, dont deux ont été mis à la disposition de l’ancien directeur de la garde présidentielle du président déchu, Ali Seriati, ainsi que la mise à la disposition de la secrétaire du directeur général d’une voiture 4x4 et d’un chauffeur, en plus d’avoir bénéficié de missions à l’étranger.
Il est indiqué, dans ce même dossier, que 2 millions de dinars ont été prélevés sur le budget d’un projet japonais destiné au boisement forestier dans les gouvernorats de Kasserine, de Bizerte, du Kef et de Siliana au profit du palais présidentiel de Carthage du temps du président déchu.
D’autres dépassements ont été enregistrés au niveau de la direction des forêts concernant la destruction de tonnes de pins d’Alep («zgougou») sans preuves ou analyses montrant leur détérioration.
La prime du… 18e mois
Au sujet du dossier de la Coopérative centrale des services agricoles et des grandes cultures (Ccsagc), M. Ben Salem a précisé que cette société a dépensé son capital plusieurs fois et que ses dettes vis-à-vis de l’Office tunisien des céréales (Otc) s’élèvent à plus de 270 MD.
Le ministre a souligné, qu’en dépit des difficultés financières auxquelles fait face la société, celle-ci décaisse encore des salaires élevés et les primes du… 18e mois. Cela ne s’invente pas…
Il a également évoqué la corruption au sein de la direction générale de l’aménagement et de la conservation des terres agricoles qui a dépensé 2,1 MD pour aménager le palais présidentiel à la baie des anges à Hammam Sousse (banlieue nord de Sousse).
Il a relevé, par ailleurs, que la directrice générale de la Société tunisienne des volailles a osé décaisser un salaire mensuel supplémentaire sans l’autorisation des autorités de tutelle. Ses salaires et primes ont ainsi atteint 31.000 dinars en 4 ans.
Le ministre a mis l’accent sur la nécessité de faire preuve de rigueur envers les responsables corrompus et impliqués dans les dossiers de corruption financière et administrative au ministère, appelant à changer de mentalités et de comportements et à préserver l’argent public.
I. B. (avec Tap).