Selon le journal canadien ‘‘La Presse’’, une enquête a été ouverte en Tunisie sur l’attribution d’un contrat de 320 millions de dollars canadiens à la firme d’ingénierie québécoise Snc-Lavalin. Pour une centrale électrique à Sousse…

Par Imed Bahri


Selon nos confrères canadiens, la Commission national d’investigation sur la corruption et les malversations (Cnicm) a trouvé un document incriminant pour Snc-Lavalin dans les archives du palais de Carthage, après la fuite de Ben Ali, le 14 janvier 2011.

«Il s’agit d’une lettre adressée par un membre de la firme au gendre du président, Sakher el-Materi, à propos de la construction d’une centrale thermique à Sousse. Le contrat a été attribué en 2010 à Snc-Lavalin et à son partenaire italien, Ansaldo Energia», écrit ‘La Presse’’ de Montréal.

Riadh Ben Aissa, incarcéré en Suisse.

La maison de Sakher el-Materi à Westmount

Le journal, qui rappelle l’acquisition, en 2008, par Sakher el-Materi, d’une maison de 2,5 millions de dollars canadiens à Westmount, quartier huppé de Montréal, ajoute qu’«un cadre de Snc-Lavalin, responsable du développement des affaires en Afrique du Nord, Kébir Ratnani, avait une procuration pour s’occuper de la luxueuse résidence accrochée au flanc du mont Royal», à Montréal, maison saisie par Ottawa dans le cadre d’une loi sur le gel des avoirs des dirigeants étrangers corrompus.

La Cnicm, qui a transféré près de 400 dossiers à la justice, n’a pas encore transmis celui de Snc-Lavalin. «Nous n’avons pas achevé l’étude du dossier. Une fois que le dossier sera achevé, il sera transmis à la justice si nous avons suffisamment d’éléments de preuves. Ce sera au parquet de décider de poursuivre ou pas», explique la juriste Neila Chaâbane, membre de la commission, citée par ‘‘La Presse’’ de Montréal.

Le journal canadien affirme que l’ouverture d’une enquête de la Cnicm sur la firme canadienne lui a été confirmée par quatre sources. Et notamment par Néji Baccouche, membre de la Cnicm et doyen de la faculté de droit de l’Université de Sfax, qui a déclaré: «Il y a un dossier. Ça, c’est sûr. Selon toute vraisemblance, il y a eu versement d’un pot-de-vin» (probablement à Sakher El Materi, Ndlr).

Kébir Ratnani à gauche.

Quel est le rôle de Riadh Ben Aïssa?

Kébir Ratnani, vice-président de Snc-Lavalin basé au Maroc, travaillait sous les ordres du Tuniso-canadien Riadh Ben Aïssa. Cet ancien grand patron de la société en Afrique du Nord est détenu en Suisse, où il est soupçonné de corruption, d’escroquerie et de blanchiment d’argent.

M. Ratnani soutient que la direction de Snc-Lavalin savait très bien qu’il détenait une procuration pour s’occuper de la résidence de M. El-Materi à Westmount. «Elle savait ce que je faisais. Pourquoi devrais-je être gêné d’avoir aidé El-Materi à ce moment-là?», s’était-il défendu sur les ondes de Radio-Canada, en janvier.

Riadh Ben Aïssa, quant à lui, a déclaré le 10 février qu’il n’avait «en aucun temps» discuté avec M. Ratnani du sort des membres de la famille Ben Ali ou de leurs biens. Il a aussi assuré n’avoir «jamais parlé, ni même rencontré» Belhassen Trabelsi, en réaction aux allégations d’employés de Snc-Lavalin, selon lesquels il avait apporté son aide au beau-frère de Ben Ali, notamment lors de son installation à Montréal après sa fuite de Tunisie, le 14 janvier 2014.

«Mais un homme d’affaires qui a travaillé en étroite collaboration avec M. Trabelsi avant la révolution en Tunisie a confié à ‘‘La Presse’’ avoir vu les deux hommes prendre part à la même réception privée, à l’hôtel Karthago Palace (à Gammarth, au nord de Tunis, Ndlr), vers la fin novembre 2009», note le journal canadien. Qui ajoute: «Selon cet homme d’affaires, le contact privilégié de M. Ben Aïssa au sein de la famille Ben Ali n’était pas Belhassen Trabelsi, mais l’un de ses beaux-frères, Montasser Maherzi. ‘‘Je les ai vus s’échanger de chaleureuses poignées de mains’’».

Siège de Snc-Lavalin à Montréal.

Il reste bien entendu aux enquêteurs, tunisiens et canadiens, de trouver les traces de virements bancaires ou d’autres formes d’échanges concrets entre les deux membres du clan Ben Ali et l’entreprise canadienne actuellement en charge de la réalisation d’une centrale électrique à Sousse.

Affaire à suivre…

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