En dépêchant leur ministre des Affaires étrangères auprès des nouveaux dirigeants français, avant même que ces derniers ne prennent leurs fonctions, les Marocains ont été, encore une fois, plus prompts à la détente que les Tunisiens.
Par Hakim Frigui, correspondant en France
Le «printemps arabe» a libéré les peuples du Maghreb et la France ne veut plus (et ne peut plus) leur imposer ses choix. Le Maroc semble avoir compris avant tout le monde cette nouvelle géopolitique franco-maghrébine.
Une posture d’alliés et non de soumis
François Hollande a dit qu’il ne veut pas perdre de temps dans la gestion des dossiers afin d’être le plus rapidement efficace. Et il a raison, notamment en ce qui concerne le dossier des relations avec l’Afrique et le Maghreb. Ici même, à Kapitalis, il livrait les grandes lignes de son projet pour les relations entre la France et les pays africains. Un programme visant clairement le but de traiter les pays africains comme des partenaires et non plus comme des obligés. On ne peut qu’y souscrire en espérant rapidement du concret dans ce sens…
Pierre Moscovici.
De leur côté, les pays africains ne doivent plus subir en demeurant dans une position d’attente. Ils doivent être pro-actifs que ce soit commercialement ou politiquement. Ils ont leur mot à dire et doivent avoir une posture d’alliés et non de soumis. En tous cas, avec la nouvelle équipe dirigeante qui prend le volant de la France, ils ne peuvent que nourrir des desseins positifs et viser des relations mutuellement enrichissantes. Mais c’est à eux d’aller au contact de la France et ne pas attendre. C’est à eux d’aller se battre pour leur dossier vu qu’ils ont un mandat de leur peuple pour le faire et qu’ils ne sont plus imposés comme dictateurs.
Pro-activité du Maroc
D’ailleurs, certains pays africains l’ont bien compris. Compte tenu de la nouvelle marge de manœuvre qu’offre la nouvelle équipe dirigeante française, ils prennent l’initiative. Ainsi, le Maroc a dépêché son ministre des Affaires étrangères pour rencontrer Pierre Moscovici, organisateur de la campagne présidentielle de François Hollande, sans doute titulaire d’un portefeuille de premier plan au sein du futur gouvernement français et, probablement, celui des Affaires étrangères.
La démarche de cette visite qualifiée de «courtoisie» pourrait surprendre. En effet, ce n’est pas l’actuel ministre des Affaires étrangères français qui est visité et François Hollande n’est même pas encore officiellement investi et n’a d’ailleurs pas encore formé son gouvernement.
Pourtant, le Maroc a raison et a compris le nouveau tempo diplomatique que les bouleversements arabes entraînaient. La visite de courtoisie n’en est donc sans doute pas une, car elle vise sans doute déjà à prendre de l’avance sur des dossiers que le Maroc trouve sensibles.
Saad Dine El Otmani, ministre marocain des Affaires étrangères.
Au fond, le Maroc a raison d’être une force de proposition et de ne pas subir. C’est ce type de démarche pro-active qu’il faut avoir afin de construire main dans la main avec la France un avenir gagnant-gagnant des deux cotés de la Méditerranée et il ne faut plus attendre dans une posture uniquement réactive. Où l’on se détermine en fonction de ce que l’on nous propose.
Attentisme de la Tunisie
La diplomatie tunisienne porte en son sein de bons professionnels qui ont été trop longtemps muselés par l’ancien pouvoir. Ces bons professionnels doivent être plus actifs et prendre l’initiative sur tous les dossiers qui intéressent la Tunisie. Il serait d’ailleurs dommage que la Tunisie, berceau de la nouvelle ère africaine qui s’ouvre, n’ait pas compris le rôle qu’elle pouvait désormais jouer à l’avant-garde de la diplomatie sud-méditerranéenne.
Mais que fait donc Rafik Abdessalem.
Alors pour en revenir aux relations franco-tunisiennes, où en est la Tunisie? Une visite «de courtoisie» du ministre des Affaires étrangères en France est-elle prévue afin d’évoquer ce nouveau départ que la France et la Tunisie peuvent prendre avec deux nouvelles équipes dirigeantes à leur tête? Et aussi, plus discrètement – toujours à l’occasion de cette visite de courtoisie –, évoquer les nombreux dossiers franco-tunisiens et européo-tunisiens que la Tunisie amie de la France souhaite voir avancer?