Qui a dit que les lèche-bottes ont disparu avec Ben Ali? Ils ont juste cédé la place aux lèche-babouches, qui se prosternent déjà, complaisants et mielleux, devant le nouveau maître du pays.
Par Zohra Abid
Le cheikh de la mosquée Zitouna, Houssine Laâbidi a (presque) comparé, samedi, Rached Ghannouchi aux compagnons du prophète. Ce qui a fait grincer quelques dents… islamistes.
Rached Gahnnouchi, qu’Allah l’agrée!
«Je cède la parole à l’enfant du pays qui a milité et enduré des années de prison, cheikh Rached Gahnnouchi, ‘‘radhia allahou anhou’’ (Qu’Allah l’agrée, une formule généralement réservée au prophète et à ses compagnons, Ndlr)», a lancé Houssine Laâbidi aux fidèles venus célébrer la reprise officielle de l’enseignement à la mosquée Zitouna après 50 ans de rupture. Et de reprendre, à deux reprises, cette expression, en comparant le leader du parti islamiste Ennahdha aux deux compagnons du prophète Mohamed, Bilel Ibn Rabah et Ammar Ibn Yasser…
Comme on devait s’y attendre, la vidéo de cette déclaration pour le moins intempestive a vite fait le tour sur les réseaux sociaux. Les internautes n’ont pas tardé à réagir et les critiques ont fusé de toute part.
Sur place, plusieurs fidèles présents ont préféré quitter la mosquée, en guise de protestation.
Outre Rached Ghannouchi, auquel la cérémonie était presque entièrement dédiée (qui a dit que le culte de la personnalité est mort avec Ben Ali?), celle-ci était marqué par la présence du ministre des Affaires religieuses, Noureddine Khadmi, et de celui de l’Enseignement supérieur, Moncef Ben Salem (plus musulmans qu’eux, tu meurs!), ainsi que leur collègue de l’Education nationale Abdellatif Abid et plusieurs autres responsables du gouvernement, comme le philosophe et conseiller de Hamadi Jebali, Abou Yaâreb El Marzouki.
Les journalistes, qui ont été empêchés d’accéder à l’intérieur de la mosquée par certains soi-disant organisateurs (des salafistes jouant les videurs de service!), ont eu du mal même à accomplir leur mission et recueillir des témoignages dans l’esplanade occupée – très opportunément du reste – par des hommes et des femmes agitant des drapeaux noirs et blancs.
Videurs salafistes et lèche-babouches
Pour compléter cette ambiance, des cris d’Allah Akbar et des youyous ont résonné de partout au moment de la signature d’un document autorisant l’enseignement zitounien, un cursus qui échappera au contrôle du ministère de l’Enseignement supérieur, déplore-t-on déjà.
Loin de s’encombrer de ce genre de détail, Rached Ghannouchi, «radhia allahou anhou», était aux anges: il savoure sa revanche de vieux chef, bombardé compagnon – à titre posthume – du Prophète. Déjà que des fidèles se prosternent à ses pieux, complaisants, mielleux et vaguement intéressés. Comme quoi les lèche-bottes n’ont pas disparu avec Ben Ali; ils ont juste cédé la place aux lèche-babouches.