Le commerçant du marché de Moncef Bey qui a succombé, samedi à l’aube, à ses brûlures, après s’être immolé, la veille, par le feu, a-t-il été soudoyé par des policiers véreux, qui demandaient un bakchich?
Il y a deux versions de cette affaire: l’une des collègues de la victime, l’autre des agents de sécurité. Elles sont différentes, mais pas vraiment contradictoires, même si la vérité sera très difficile à trouver, la parole des uns annulant celle des autres. Le mystère, bien entendu, profite aux hypothétiques fauteurs, mais on ne peut expliquer l’acte extrême du commerçant, s’immolant par le feu devant les yeux de son fils.
Sarjane et les deux motards
Selon deux commerçants à Moncef Bey, qui étaient présents sur les lieux, la victime dénommée H’med et connue sous le nom de Sarjane et originaire de Sbiba (gouvernorat de Kasserine) était en train de décharger des paquets de cigarettes dans son commerce à l’intérieur du marché de Moncef Bey.
D’après la version de ces témoins oculaires, «la victime aurait été interpellée par deux agents de police en moto qui auraient réclamé une somme d’argent contre leur silence sur la marchandise de contrebande».
Toujours selon leurs dires, «la victime a proposé une somme d’argent aux deux agents» qui, à leurs yeux, «était insuffisante». «Face à cette réaction, le commerçant aurait menacé de s’immoler par le feu», ont-ils ajouté.
Et les deux témoins oculaires de poursuivre: «Le commerçant s’est absenté un moment en compagnie de son fils pour revenir, par la suite, avec un récipient en plastique rempli d’essence avec lequel ils se sont aspergés devant les deux agents de police qui ont demandé des renforts pour faire face à toute éventualité».
«A son retour, la victime aurait menacée de nouveau de s’immoler par le feu » ont-ils rapporté, précisant que «l’un des agents de police était très proche de la victime lorsque son corps a pris feu à la consternation générale des personnes présentes».
Pour quelques paquets de cigarettes de contrebande
Les commerçants racontent aussi que le fils de la victime a tenté de sauver son père, mais il a été empêché par les personnes présentes, qui craignaient que le feu ne l’atteigne aussi, puisqu’il était, lui aussi, imbibé d’essence.
Suite à cet incident, un accrochage a éclaté entre commerçants et agents de police, faisant des victimes des deux parties.
Contacté par l’agence Tap, le chef de bureau de l’information et de la communication au ministère de l’Intérieur Khaled Tarrouche a donné sa version des faits, précisant qu’«une patrouille de police a arrêté, vendredi soir, dans la zone de Moncef Bey, une voiture transportant une grande quantité de cigarettes de contrebande».
M. Tarrouche a précisé que «le conducteur a abandonné sa voiture et pris la fuite pour revenir, par la suite, accompagné d’un groupe d’individus, avec un récipient rempli d’essence». «Le conducteur s’est rapproché des agents de police en leur tenant des propos grossiers, avant de s’asperger d’essence et de s’immoler par le feu», a-t-il ajouté.
«Une unité de la protection civile a été dépêchée sur les lieux de l’incident et a transféré le conducteur au centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous où il a succombé, samedi à l’aube, à ses brûlures », a-t-il poursuivi.
I. B. (avec Tap).