L’enfer est pavé de bonnes intentions. Les nouvelles procédures pour l’octroi de visa pour… le paradis français en sont la meilleure illustration. Récit du parcours de combattante d’une demandeuse de visa pour la France.

Par Sana Ferjani 


 

Ce n’est pas mon premier voyage et ce n’est donc pas ma première expérience dans le monde des demandes de visas, mais c’est néanmoins une première pour moi, comme pour les autres demandeurs, suite au changement de procédure de dépôt de visa qui ne se fait plus à l'ambassade de France, mais via un prestataire de service basé aux Berges du Lac.

Bien que je comprenne ces procédures et les mesures de sécurité qui l’accompagnent – tout ce "tralala" est bien réducteur (demande, justificatifs, empreintes,  photos, caméras implantées partout dans les locaux...). Mais les règles sont ainsi écrites et bien que cela m’indigne, je me résigne à les suivre.

2012, c’est la nouvelle ère... dépôt de candidature sur le site officiel du prestataire. Les explications sont claires, les étapes bien décrites, puis en quelques clics le rendez-vous est obtenu.

 

Siège de l'ambassade de France en Tunisie

Jeudi à 13h30: évidemment, j'arrive avant l'heure. Je vois déjà une file qui s’est formée. Les gardiens sont forts aimables et sympathiques, dans cet immeuble encore en construction. Nous sommes à l’extérieur, il fait très chaud en ce mois de mai, mais la bâche qui nous protège du soleil allège notre souffrance. Les liens se créent très vite, nous échangeons, parlons, organisons nos feuilles par ordre. Tout est prêt, les documents visibles et dans la main.

13h35: rendez-vous arabe chez les Français? On se rend vite compte que nous ne serons pas reçus à l’heure car le groupe de 13h est toujours à l'extérieur à attendre. On s’en étonne, pourquoi payer 49 dinars supplémentaires de service, si cela n’est ni meilleur ni mieux organisé qu’avant? Mais que faire... à part attendre?

13h55: on nous demande d’avancer, mon groupe est formé de 7 personnes. Nous sommes 4 femmes et, étonnamment, le gardien nous demande de regarder dans nos sacs. Je suis surprise et je le fait comprendre au gardien: «C’est un sac de femme, je ne vois pas pourquoi un homme y toucherait; vous pouvez tomber sur des choses qui vous gêneront, bien plus vous, que moi»... Avec un sourire au coin des lèvres, le gardien me répond amèrement qu’il en est en effet fort gêné et que si je pouvais faire une réclamation à ce propos, cela lui rendrait un fier service... Ce qui ne l'empêche pas de regarder dans mon sac, exécutant péniblement son devoir...

14h00: nous sommes à l’intérieur, deux personnes nous reçoivent, une femme est à bout de nerfs semble-t-il. Enervée? Excédée? Je ne le sais, mais elle n’est guère accueillante ni aimable. Heureusement, je tombe sur le monsieur qui m’a l’air plutôt motivé. Une charmante tête blonde passe, son français a un accent très spécial... Elle est belge et parle flamand. On m’explique qu’elle est là pour la formation. Il y a aussi des Espagnols, des Chinois... Ils sont là pour le lancement.

 

Un sésame… de plus en plus coûteux.

Nous sommes à l’intérieur, une quarantaine de personnes. La salle est climatisée et des fontaines d’eau sont à disposition pour nous désaltérer. Est-ce ce service que nous payons 49 dinars?

14h30 : On, m’appelle, nom et prénom... Encore un étonnement: qui vous dit que je suis d’accord pour que la salle entière connaisse mon identité? Et mon droit à l’anonymat, est-il banni? Pourquoi ne pas procéder par numéro comme partout?

La conseillère est très charmante, bien habillée et souriante (elles le sont d’ailleurs toutes aux 8 guichets ouverts, seul un, tenu par un homme)... son français est certes approximatif, son accent fort manifeste, mais sa gentillesse fait oublier tout... ou presque.

La dame insiste pour une lettre d’invitation. Je lui explique que j’ai une lettre officielle et que je pars en mission. Je demande donc un visa d’affaire... comme indiqué sur le formulaire que j’ai soigneusement rempli quelques jours plus tôt.

A ma grande surprise, elle m’indique que j’ai rendez-vous le lendemain pour la prise d’empreintes à l’ambassade! Faire cela en deux temps, deux déplacements..., à des endroits fort éloignés l’un de l’autre, quel intérêt?

Je suis revenue vers mon groupe. L’un deux, qui a fait le voyage de Gabes, est tombée des nues, car il a déjà payer son billet aller/retour et ne pensait nullement qu’il devait revenir le lendemain à l’ambassade. Ces renseignements auraient dû être donnés préalablement afin que les gens prennent leurs dispositions, surtout que cela est tout nouveau.

Vendredi, 11h15 : je suis devant l’ambassade. Je n’attends pas plus de deux minutes. Je suis déjà au guichet d’entrée, avec mon numéro de dossier et ma carte d’identité. Mon n° est inscrit au nom de famille de mon époux, alors que tous mes papiers sont à mon nom de jeune fille. Même le formulaire que j’ai rempli est en mon nom de jeune fille.

J’ai tout de même réussi à pénétrer à l’intérieur... une fourmilière, les sièges sont tous pris. J’ai obtenu le N°850, le 746 était affiché sur l’écran. L’attente, on l’imagine, sera longue et pénible, et je ne comprends encore pas quels services avons-nous payé en déboursant les 49 dinars supplémentaires!

13h25 : mon numéro s’affiche enfin. Je donne ma convocation à la dame, qui part chercher mon dossier, certainement transmis par le prestataire... Le hic c’est que mon passeport, ma demande, mes papiers sont à un nom différent de celui inscrit sur le dossier qu’elle a entre les mains. Je réexplique que ce fameux nom de famille est celui de mon époux et que je ne l’ai justement pas renseigné car il ne figure pas sur mon passeport. On me demande si j’ai une sœur jumelle... Cela m’aurait presque fait rire en d’autres circonstances... Je réponds que j’aurais bien voulu en avoir une, mais que le destin n’en a pas voulu.

Une autre dame vient à la rescousse. Les deux fonctionnaires se regardent, me dévisagent, le regard presque inquisiteur... Je leur souris tout de même... Après un court échange avec sa collègue, la préposée finit par prendre mes empreintes...

 

Salle d'attente au Consulat de France en Tunisie

13h50: je suis à l’extérieur des locaux, paradoxalement soulagée et inquiète de tout ce remue-ménage. Dans une semaine, j’irais chercher mon passeport auprès du prestataire. Et si on me refusait le visa parce que les noms sont différents, alors que ceci n’est nullement de ma faute mais de celle de ma conseillère qui prit la liberté de renseigner le nom de mon époux inscrit, en plus du mien, sur ma fiche de salaire... qui prendrait en charge ma réclamation? Mon nouveau dépôt? Ma société n’a pas payé une assurance pour les 49 dinars de frais supplémentaires qu’elle a supportés? Devrait-elle payer les frais d’une autre demande? Et la perte de temps que cela occasionnerait? Je n’ose même pas y penser…