Dans un entretien au site ‘‘Slate.fr’’, le nouveau président français, François Hollande évoque la position de son pays vis-à-vis de la montée des islamistes en Tunisie et en Afrique du Nord. Extraits…
Slate.fr: Sur l’Afrique et le Moyen-Orient, partagez-vous la position d’Alain Juppé d’une extrême fermeté vis-à-vis des islamistes avec lesquels on peut parler, à condition que certaines lignes rouges ne soient pas franchies: respect des droits fondamentaux, respect du choix libre des électeurs, acceptation de l’alternance au pouvoir?
François Hollande: La France ne doit pas changer de principes en fonction des circonstances ou des situations. Ceux qui valaient au moment des printemps arabes, quand les régimes empêchaient l’avènement de la démocratie, doivent être évoqués avec les pouvoirs sortis des urnes dans ces mêmes pays, notamment en Tunisie et en Egypte. Le bon fonctionnement de la démocratie, l’égalité hommes-femmes ou la place respective de la société et de l’Etat doivent être rappelés autant que nécessaire.
L’enjeu est de savoir si des partis qui se réclament de l’islam peuvent rentrer dans un processus démocratique de long terme. C’est pourquoi la réussite de cette transition est très importante. Les Tunisiens en ont fait la démonstration, même si nous voyons bien que des menaces existent.
Quelle est votre analyse de la situation dans la zone du Sahel?
Je suis très préoccupé de ce qui s’y passe. J’ai approuvé l’intervention en Libye, mais j’ai regretté que l’accompagnement n’ait pas suivi, et aujourd’hui une partie des débris de l’armée libyenne et des forces qui l’ont soutenue se retrouve dans cette zone, et déstabilise le Niger et le Mali. Ce n’est pas la seule cause des désordres. Là encore, l’Europe doit comprendre qu’elle aurait avantage à accompagner plus fortement le développement des pays concernés.
Nous avons aussi le problème spécifique d’Areva, qui est pour le Niger une source de retombées très significatives: on voit bien l’intérêt des forces d’Aqmi ou liées à ces réseaux d’empêcher le développement du Niger.
L’arrivée au pouvoir dans de nombreux pays situés de l’autre côté de la Méditerranée d’islamistes est-elle à même de renforcer encore les peurs et les fantasmes en France qui ont été très présents pendant la campagne présidentielle française?
J’ai déploré qu’il y ait eu des confusions et des amalgames. Les étrangers peuvent être d’originaire africaine, maghrébine, sans être musulmans. Et être musulmans sans être communautaristes. Je veux faire respecter en France des valeurs qui permettent à chaque individu de pratiquer le culte de son choix mais dans le cadre des règles communes de la laïcité.