Ils étaient venus, ils étaient tous là, à commencer par le cheikh Rached Ghannouchi, au premier rang, pour dire à Kamel Jendoubi et à son équipe: «Adieu et merci. Maintenant, on n’a plus besoin de vous».


La mission de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a pris fin officiellement, vendredi, au cours d’une cérémonie officielle organisée, en grandes pompes, au Palais des Congrès à Tunis. Commentaire amer d’un acteur de la société civile «C’est un enterrement de luxe!».

Une nouvelle instance sur mesure?

L’instance qui a organisé les élections de l’Assemblée nationale constituante (Anc), le 23 octobre, le premier scrutin réellement libre, pluraliste et transparent organisé en Tunisie, et même dans le monde arabe, et salué en tant que tel par tous les observateurs internationaux, aurait, peut-être, mérité d’être reconduite, en tout cas en partie. «Ennahdha et ses obligés de la coalition tripartite au pouvoir sont passés, grâce au processus électoral transparent mis en place par l’Isie. Ils veulent maintenant fermer la porte derrière eux en créant une nouvelle instance à leur mesure. Et c’est dommage pour la transition démocratique tunisienne, qui marche désormais à reculons», commente un autre militant associatif présent.

Bien sûr, les principaux intervenants, dont les trois présidents issus de la «troïka», ont appelé à ce que la nouvelle instance pour les élections soit «indépendante», afin que les prochaines échéances électorales se déroulent dans le même climat de transparence et d’équité que celle du 23 octobre, mais personne n’est dupe des intentions et même des projets en cours pour assurer un nouveau succès électoral sinon aux partis de la «troïka», du moins à Ennahdha, qui domine cette coalition gouvernementale.

Ils sont venus, ils sont tous là…

Les quatre présidents représentant le pouvoir provisoire actuel étaient, d’ailleurs, tous présents vendredi au Palais des Congrès: le président de la république provisoire, Moncef Marzouki, le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, le président de l’Assemblée nationale constituante (Anc), Mustapha Ben Jaâfar, et même l’inamovible président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi.

En plus des membres d l’actuel gouvernement, étaient aussi présents l’ancien Premier ministre, Béji Caid Essebsi, ainsi que des membres de l’ancien gouvernement, des élus de l’Anc, des représentants de la Haute instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (Hiror) et des acteurs de la société civile.

«Le pays a grandement besoin d’instances indépendantes qui organisent la compétition politique et qui soient de par leur neutralité et intégrité le meilleur garant de la transition démocratique», a dit le président de la république provisoire. «Il est impératif de garantir l’indépendance de cette nouvelle instance du pouvoir exécutif», a insisté Moncef Marzouki, affirmant qu’il serait intolérable de revenir aux anciennes méthodes où «le gouvernement serait juge et partie supervisant lui même les échéances électorales».

La «troïka», à l’instar de l’ensemble des acteurs nationaux, est profondément consciente de la nécessité de mettre en place une instance indépendante pour superviser les élections municipales, législatives, présidentielles ou même les referendums», a encore soutenu le locataire du Palais de Carthage.

Le texte organisant la Haute instance permanente indépendante pour les élections sera prochainement soumis par le gouvernement à l’Assemblée constituante et à l’ensemble des acteurs politiques afin de parvenir à un consensus national autour de cette question, a annoncé, de son côté, Hamadi Jebali, exprimant le souhait de voir cette nouvelle instance inscrite dans la constitution.

Pour Mustapha Ben Jaâfar, il est nécessaire de mettre en place une instance électorale indépendance, neutre et professionnelle qui soit loin de tous courants politiques ou tendances sociales.

Le «testament» de Kamel Jendoubi

Une vision partagée par le président de l’Isie Kamel Jendoubi, qui a insisté sur la nécessité de mettre en place «une administration électorale permanente». «Il est nécessaire d’adopter le principe du consensus dans la définition des grandes orientations et de consacrer celui de la continuité des institutions», a-t-il dit. Il a aussi appelé à la mise en place de mécanismes constitutionnels et juridiques de contrôle et veiller à compléter et à actualiser les listes électorales en prévision des prochaines échéances électorales», a-t-il dit.

L’Isie est maintenue en tant qu’institution jusqu’à la publication du texte de création de la nouvelle instance pour les élections tel que prévu par la loi relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics. L’Isie, a précisé M. Jendoubi, a finalisé son rapport financier qui sera publié prochainement au journal officiel et sur le site de l’Isie.

I. B. (avec Tap).

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