La visite du chef du gouvernement libyen Abderrahim El Kib, la semaine dernière, à Tunis, a été riche en promesses réciproques. La Libye, où l’après-Kadhafi tarde à se mettre en place, sera-t-elle un eldorado pour les Tunisiens?


M. El Kib, qui conduisait une forte délégation gouvernementale, a passé deux jours en Tunisie, jeudi et vendredi. Cette visite officielle, la première depuis son accession à la tête du gouvernement libyen, s’inscrit «dans le droit fil de l’établissement d’une véritable union au service des intérêts des deux peuples», comme il l’a affirmé, après son entretien avec Hamadi Jebali, chef du gouvernement provisoire. Cet entretien a porté, selon un communiqué officiel tunisien, «sur la mise en œuvre de la complémentarité tuniso-libyenne, le dossier sécuritaire ainsi que sur les outils susceptibles de protéger les frontières entre les deux pays.»

La sécurité au centre des préoccupations

«La sécurité de la Libye est tributaire de la sécurité de la Tunisie et vice-versa», d’autant que «la Tunisie ne peut être en aucun cas une source de menace pour la sécurité de la Libye: il s’agit là d’une vérité évidente pour les deux pays», a déclaré M. Jebali, lors d’un point de presse bilatéral.

Sur le terrain, «la situation sécuritaire au niveau de la frontière tuniso-libyenne est sous contrôle en dépit de certains incidents isolés», tout comme les autres régions de la Tunisie, a expliqué, de son côté, le ministre de l’Intérieur, Ali Lârayedh.

Mis à part l’accord (en mars 2012) sur un ensemble de conventions tuniso-libyennes liées à l’échange d’informations sécuritaires, la lutte contre le crime organisé et la sécurisation des frontières, les deux pays ont signé une convention portant sur la formation (par les autorités tunisiennes) de plus de 1.000 agents de sécurité libyens.

Toujours dans le cadre de la coopération tuniso-libyenne en matière de sécurité, «les dispositions ont été prises depuis un certain temps permettant d’arrêter l’hémorragie de la contrebande sur les frontières y compris le trafic d’armes et de drogues», et les rondes sécuritaires et de contrôle ont été renforcées, a encore déclaré M. Lârayedh à l’issue d’une séance de travail avec les dirigeants libyens.

En se référant au soutien apporté par les Tunisiens aux Libyens tout au long de la révolution libyenne, le chef du gouvernement libyen a estimé que «la sécurité et la stabilité de la Tunisie sont une partie intégrante de celles de la Libye».

Volonté commune d’édifier un espace maghrébin

Sur le plan politique, le gouvernement libyen a évoqué avec son homologue tunisien le dossier des prochaines élections en Libye où le nombre des inscrits a atteint jusqu’à maintenant, 1.300.000 électeurs qui représentent, selon M. El Kib, 60% de la totalité des électeurs, «ce qui laisse présager d’élections réussies», a-t-il estimé.

Outre l’engagement à appuyer l’intégration économique et la coopération entre la Tunisie et la Libye dans des secteurs comme la santé, l’énergie, l’industrie et l’emploi, les deux gouvernements ont été chargés d’élaborer des mémorandums d’ententes devant couronner les travaux de la haute commission mixte tuniso-libyenne, selon une déclaration conjointe des deux premiers ministres.

Présidée par le Premier ministre tunisien et son homologue libyen, la rencontre entre la haute délégation libyenne et des membres du gouvernement tunisien a pu manifester la volonté qui anime les deux pays d’édifier un espace maghrébin sachant que la conjoncture actuelle impose la consolidation de cet espace «pour s’ouvrir ultérieurement sur l’Orient et l’Occident», selon M. Jebali.

La complémentarité tuniso-libyenne

Du côté libyen, M. El Kib a affirmé l’existence d’un «climat favorable» pour renforcer la complémentarité tuniso-libyenne surtout qu’«il n’y a pas d’autre alternative pour la Libye et la Tunisie que le raffermissement des liens sur la base d’une approche pragmatique et pertinente».

M. El Kib a appelé, d’un autre côté, la main d’œuvre et les hommes d’affaires tunisiens à se rendre en Libye tout en garantissant que son pays s’engage à apporter toutes les facilités nécessaires pour stimuler l’investissement et l’emploi des Tunisiens en Libye.

Les deux gouvernements n’ont pas manqué d’évoquer l’affaire de l’ancien Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi, détenu depuis des mois en Tunisie. Cette affaires «ou autres ne peuvent aucunement menacer le peuple libyen ou sa sécurité», a rassuré le Premier ministre tunisien. Selon lui, la position de la Tunisie «est claire à ce sujet» et «le peuple libyen et sa révolution peuvent compter sur la Tunisie dans ce domaine ou autres».

Une ardeur refroidie

Malgré les assurances des deux côtés et, surtout, la conviction partagée que les destins des deux peuples sont scellés, l’histoire et la géographie plaidant pour la poursuite de relations profondes et mutuellement bénéfiques entre les deux pays, beaucoup de Tunisiens demeurent sceptiques quant à la capacité des Libyens de désarmer les rebelles, de rétablir la paix civile et de remettre le pays en ordre de marche. Des témoignages de Tunisiens, qui ont enduré (ou endurent encore) les exactions de réseaux organisés d’escroquerie et de banditisme, refroidissent pour le moment l’ardeur des Tunisiens à reprendre pied dans ce pays dont les besoins en main d’œuvre, en expertises diverses et en produits de grande consommation sont très importante.

I. B. (avec agences).