Est-ce que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct) est responsable de la déroute économique du pays ayant comme conséquence la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie par S&P?
Par Sami Chabrak*
A en croire les membres du gouvernement et leurs supporters nahdhaouis s’activant sur le net, la réponse ne peut être que positive avec de surcroit des accusations pour le gouverneur de mener une politique monétaire contraire aux orientations du gouvernement et mettant en péril les objectifs de la révolution.
La marge de manœuvre étriquée de la Banque centrale
Toutefois, l’analyse objective de l’évolution des indicateurs clefs du marché monétaire montre:
- une destruction monétaire induite par l’aggravation du déficit de la balance commerciale;
- un phénomène de thésaurisation induit par l’absence d’une vision claire à court, moyen et long termes des perspectives de notre économie;
- une aggravation du déficit budgétaire avec, comme conséquence, un effet d’éviction par les interventions du trésor public dans le cadre du financement de sa dette.
Cette situation accule la Bct à agir rapidement:
- soit en laissant le marché s’autoréguler lui-même et laisser par conséquent flotter le taux d’intérêt pour refléter la réalité des marchés avec une relevée certaine du taux directeur (actuellement le taux réel est supérieur d’au moins 2% du taux directeur);
- soit en administrant le marché par des mesures restrictives à même de piloter l’évolution des taux d’intérêt.
Dans les deux cas, la Bct ne peut agir que contrairement à la politique monétaire expansionniste adoptée par le gouvernement lors de l’établissement de son programme économique et du budget complémentaire appelé à mettre en œuvre ce programme.
En effet, les prévisions budgétaires du gouvernement sont établies sur la base d’un taux d’intérêt de 3,2% et un taux de change de dinars par rapport au dollar de 1,5, deux hypothèses ne pouvant pas laisser la Bct sans réaction face au programme du gouvernement.
En d’autres termes, comment peut-on agir contre les conditions du marché pour réduire le taux directeur d’environ 0,6% de son niveau actuel et de plus que 2,5% de sont niveau réel et éviter en même temps le glissement du dinar par rapport aux devises principales sachant que les taux de change sont fonction des différentiels des taux d’intérêts.
Le gouvernement veut le beurre et l’argent du beurre
Ce casse-tête, je pense, ne peut être résolu que dans l’imaginaire des conseillers du gouvernement qui sont les seuls dans ce monde à pouvoir garder le beurre et l’argent du beurre.
Devant cette situation, un gouvernement émanant d’une majorité électorale qui se respecte ne doit qu’assumer ses responsabilités et ce en commençant par :
- éviter les actions, programmes et démarches à objectifs purement électoraux et considérer la situation actuelle avec plus de rigueur et d’objectivité, car jusqu’alors on n’arrive pas à comprendre la logique du gouvernement acceptant un déficit budgétaire de 6,6% compromettant les équilibres économique globaux et ce pour le financement d’actions purement sociales telles que le programme des logements sociaux ou celui d’indemnisation des condamnés politiques de l’ancien régime, actions pouvant être reportées pour des périodes budgétaires meilleures;
- accepter que la situation actuelle nécessite la mobilisation de toutes les compétences nationales de toutes obédiences politiques afin de sauver le pays de la chute vertigineuse qu’il a entreprise depuis l’avènement de ce gouvernement jusqu’alors amateur. Par conséquent, les dirigeants actuels doivent arrêter de suite de changer les cadres de l’administration, des institutions et structures de direction et de soutien, et, d’une manière générale, l’éviction des compétences réelles du pays et leur remplacement par des personnes qui n’ont d’atouts que leur appartenance au parti Ennahdha;
- former un gouvernement d’union nationale faisant participer toutes les formations politiques du pays et éviter tout processus d’exclusion privant le pays de ses ressources humaines surtout quand cette exclusion n’a d’objectif réel que de favoriser les dirigeants actuels à se maintenir au pouvoir.
* - Secrétaire national du Parti de la Rencontre destourienne.