La Tunisie s’apprête-t-elle à assister aux excès d’une justice show business, vengeresse et populiste, au service de quelques mouvements ivres de pouvoir?

Par Karim Ben Smaïl*


Demain, à 8h30, au Palais de Justice de Tunis, Ahmed Smaoui, accompagné de 4 autres anciens Pdg de Tunisair, va comparaître devant un juge. Je ne suis pas avocat ni juriste, mais je suis un citoyen attentif, qui ne souhaite pas voir la justice servir d’instrument de propagande au pouvoir.

Ainsi, je m’inquiète des rumeurs qui annoncent que ces hommes comparaîtront menottés, que leur arrivée au Palais de Justice sera accompagnée de manifs de salafistes et autres islamistes «convoqués» pour demander des têtes «au nom du peuple», qu’Ennahdha et le CpR vont concocter un communiqué jouant aux vierges effarouchées demandant que les «traîtres» payent...

Une justice de show business, destinée à détourner notre attention des vrais problèmes. Tunisair a été la vache à lait du gouvernement de Zaba comme celui de Bourguiba. Une pléthore de favoris, sportifs et «membres des familles régnantes» y ont reçu des salaires non justifiés. Il est juste de faire la lumière sur ces pratiques et sur d'autres, mais gare aux abus de la chasse aux sorcières: le peuple veut des têtes, coupons en! Démagogie à deux balles dont usent tous les dictateurs en devenir.

Le mélange des torchons et des serviettes: on ne peut pas mettre sur le même plan un grand serviteur de l'Etat de la stature d’Ahmed Smaoui et un larbin des Trabelsi comme Rafaâ Dekhil, c’est injuste et humiliant pour un homme qui a été un véritable militant dans sa jeunesse, emprisonné pour ses idées sous Bourguiba, et qui a traversé tous ses mandats en laissant derrière lui estime et respect. Mais c’est un ancien membre du groupe de gauche Perspective Tunisiennes, intelligent et compétent, parfaitement représentatif de cette génération «made in Bourguiba» dont certains ont aujourd’hui envie de se débarrasser!

* - Editeur.