Monsieur le ministre, épargnez-nous vos mensonges et œuvrez pour que la Tunisie et son peuple restent unis. C’est votre devoir et responsabilité historique et n’essayez pas de duper un peuple, qui vous a fait confiance.
Par Nasreddine Montasser
Comme tous les Tunisiens, ces jours me pèsent lourdement. Les risques sont grands et les conséquences sont incalculables. Tout ce climat tendu fait suite à une exposition d’art moderne au palais Abdellia à la Marsa. Certaines représentations artistiques de cette exposition ont créé la polémique. Jusqu’aujourd’hui nous ne savons pas lesquelles des ces représentations ont porté atteinte au sacré et sont la cause de tout ce vacarme.
Toute accusation doit être étayée et prouvée
D’abord, je tiens à préciser que l’atteinte aux symboles sacrés de notre religion est inacceptable et injustifiable. Nous sommes nés, pour la majorité d’entre nous, dans des familles musulmanes et on a eu une éducation religieuse. Personnellement, j’estime que nous avons le courage de nous interroger, dans un moment de vérité, sur notre appartenance à cette religion et d’y répondre sincèrement.
Ensuite, l’atteinte aux symboles sacrés de notre religion étant une accusation grave sur les plans social et juridique, elle doit être étayée, prouvée et motivée sans laisser place au hasard ni aux interprétations.
La scène est contre la violence à l’encontre des femmes.
Pour notre cas d’espèce, suite aux accusations proférées contre certains artistes ayant participé à cette exposition, suite aux appels au meurtre lancé contre eux et contre ceux qui ont visité cette exposition, et surtout suites aux appels aux manifestations pour protéger notre religion au risque de faire sombrer le pays dans l’anarchie, je trouve anormal qu’on n’a pas désigné les œuvres incriminées et qu’on n’a pas permis aux artistes de défendre leur cause.
Néanmoins, au fil des jours, je vois que les accusations ont été faites sur la base d’œuvres qui n’existaient pas ou suite à des interprétations très libres d’œuvres exposées. Mais le plus grave, à mes yeux, c’est le détournement politique de l’incident. En effet, des ministres du gouvernement provisoire se sont évertués à faire comprendre à nos concitoyens que les artistes sont coupables d’atteinte au sacré voire de blasphème et qu’ils sont la cause du déchainement des violences qui a suivi la manifestation.
Quand M. Zitoun ment et trompe le peuple
Mais le grand mensonge ou la plus grande couleuvre qu’on a voulu nous faire avaler fut l’œuvre de monsieur Lotfi Zitoun. Le ministre conseiller du chef du gouvernement a fait comprendre au député Khémaies Ksila, présent sur le même plateau de la télévision nationale, que l’atteinte au sacrée n’a pas eu lieu contre les symboles sacrées centraux de la religion ou du dogme mais contre certaines attitudes ou habitudes qui sont sacrées pour les musulmans comme le port du voile. Pour se justifier il a cité la scène du ring avec les sacs de boxes sur lesquelles ont été peintes des photos de femmes voilés. M. Zitoun donne de la voix et déclare solennellement que le voile est sacré pour les musulmans et que la scène incite à la violence contre les femmes voilée.
Là le ministre est pris en flagrant délit de mensonge et de manipulation de l’opinion publique. C’est que les femmes peintes ne sont pas musulmanes. Il est écrit sur les sacs noir sur blanc: «je suis chrétienne», «je suis tunisienne», «je suis juive». Elles ne sont pas voilées non plus mais leurs coiffures paraissent comme un voile. La scène est contre la violence à l’encontre des femmes tout court. Venant d’un ministre qui se respecte et en public, ce mensonge est très grave. Surtout qu’il survient dans une phase dangereuse du processus de la transition politique et en pleine agitation sociale.
"Je suis chrétienne. Je suis tunisienne. Je suis juive", disent les légendes: qui a appelé à agresser les femmes voilées?
Alors, de grâce monsieur le ministre, épargnez-nous ces mensonges et œuvrez pour que la Tunisie et son peuple restent unis. C’est votre devoir et votre responsabilité historique et surtout n’essayez pas de duper un peuple, bon et crédule, qui vous a fait confiance.
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