Les progressistes de tous bords, qui ne sont pas encore parvenus à construire un grand parti démocrate qui réponde à l’attente populaire vont-ils continuer à se mouvoir à l’intérieur du grand magma Caïd Essebsien?
Par Sami Dachraoui
L'appel de la Tunisie... L'appel de la patrie. Rien que cela !
J’avoue déjà que l’appellation me dérange: Qui appelle qui? Est ce la Tunisie qui appelle au secours? Ou bien Béji Caïd Essebsi qui appelle la Tunisie à répondre à son appel? Dans les deux cas, l’ambition n’a d’égale que la prétention.
D’emblée, cet appel s’érige en sauveur d’une patrie à la dérive, d’un peuple à l’abandon, d’une révolution à l’agonie.
Combattre la peur suscitée par l’intégrisme religieux, la violence salafiste et l’incompétence manifeste de la troïka à diriger le pays, en amplifiant encore plus cette peur. Bce l’exorciste!
Et de voir fleurir les portraits à l’effigie du sauveur de la patrie, implorant le seigneur de lui prêter longue vie, comme aux plus belles heures de... Ben Ali!
A chacun sa transcendance: Dieu pour les uns, Bce pour les autres!
Quid de ceux qui sont au milieu de tout cela? Que leur propose t-on?
Rien justement... ou plutôt deux alternatives: Ennahdha ou… Bce!
Et donc une bipolarisation de l’échiquier politique, certes plus facile à identifier pour le citoyen lambda qui n’aura plus beaucoup de choix pour se positionner, mais aussi une diversité et un pluralisme politique que l’on sacrifie et étouffe.
Or peut on bâtir une vraie alternative politique sur l’exacerbation de la peur de l’autre?
Attendons de voir la portée de cet appel dans les régions délaissées de l’intérieur du pays... Attendons les meetings à Kasserine, Gafsa, Redeyef, Sidi Bouzid, Thala, etc., là où le terrain n’est pas conquis et où les préoccupations sont totalement différentes et tellement plus terre-à-terre: travail, dignité et pain !
Maintenant le dilemme pour la gauche et le centre progressiste est grand: Comment répondre à l’appel sans se diluer dedans? Comment continuer à exister dans le grand magma unitaire sans perdre son identité? Comment ne pas être broyé par la grosse machine qui s’annonce?
Soyons clairs et honnêtes envers nous mêmes: nous (les progressistes de tous bords) ne savons pas faire encore, mais surtout n’avons pas su faire. C’est-à-dire construire un grand parti démocrate qui réponde à l’attente populaire. Nous n’avons su construire que des petits partis élitistes et urbains (dixit Boujemaâ Remili).
Le constat est amer peut-être, dur sûrement, mais ô combien vrai et juste malheureusement!
Sauf que... cet échec est-il irrémédiable? Définitif? Justifie t-il que nous abandonnions cette tâche exaltante de fonder ce grand mouvement de gauche progressiste, démocrate et populaire? Pourrions-nous continuer à le faire à l’intérieur du grand magma Essebsien?
Car ne nous leurrons pas, le risque est grand d’être assimilés, engloutis et réduits à une invisibilité définitive cette fois.
Toute la gageure est là. Et elle est grande.
Bon courage!
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