Réflexions à propos de l’article du Dr Moez Ben Khemis intitulé «Tunisie. La grève incongrue des médecins hospitalo-universitaires», paru dans Kapitalis, jeudi 14 juin 2012.

Par Pr. Ridha Hamdane*


J’ai été frappé au sens propre du terme par la violence de certaines réactions à cet article et c’est pourquoi j’ai décidé de donner mon point de vue.

Il ne faut pas rejeter d’emblée de tels articles mais, au contraire, il faut les analyser. Personnellement, je l’ai perçu comme un cri du cœur dont le véritable souci est l’amélioration du quotidien du tunisien.

En fait, c’est un pamphlet dont la définition expliquerait davantage le contenu de l’article. Selon le dictionnaire de l’académie française, «un pamphlet est un écrit court qui s’est appliqué depuis le XVIIe siècle à un petit ouvrage de circonstance d’un ton vif et mordant, n’hésitant pas à recourir aux attaques personnelles, et qui est devenu un genre de la littérature polémique.» Voilà qui est tout dit.

Grève des médecins.

Pour ma part, je ferais les remarques suivantes:

1- la grève est un droit et les hospitalo-universitaires ne sont réellement pas bien payés aussi les réajustements de salaire deviennent impératifs voire urgents;

2- un point crucial fut cependant révélé par cette grève par les décideurs et sur lequel il va falloir sérieusement réfléchir et trouver des solutions. Le ministère de l’Enseignement supérieur ne veut pas entendre parler d’augmentation spécifique de salaires arguant du fait que les HU ont des titres mais pas suffisamment de diplômes et qu’il faudrait, à l’instar d’autres pays, un doctorat de science pour l’évolution des carrières;

3- les publications qualifiées de niveau franchement moyen dont parle l’article sont une réalité même si, là comme ailleurs, les exceptions existent. L’urgence, aujourd’hui, serait de faire la recherche adaptée à nos moyens c’est-à-dire celle qui consiste à améliorer la prise en charge des patients;

Faculté de médecine de Tunis.

4- Il est vrai, comme le dit l’auteur de l’article cité, que l’activité privée complémentaire (Apc) a envenimé la situation déjà précaire de la formation au sein de nos hôpitaux. Mais que veut-on que les enseignants ressentent, à part le mépris et l’usurpation de droits, quand on a des HU qui réalisent plus de 450 interventions chirurgicales lourdes par an;

5- Il y a des critères objectifs retenus à l’échelle internationale pour juger de l’état de la santé dans un pays. Je pense, sans complaisance aucune, que la Tunisie répond à plusieurs d’entre eux mais c’est la qualité de la prise en charge du patient dont il est question dans l’article et que certains mettent à juste titre en cause;

6- Ce n’est pas d’autodépréciation de la part de l’auteur de l’article dont il s’agit mais d’un cri d’alarme d’un jeune médecin spécialiste.

Il faut signaler, tout de même, au lecteur étranger qui, après lecture de l’article, pourrait avoir une image péjorative voire négative du niveau atteint par la médecine tunisienne qui est, faut-il encore le souligner, est reconnu à l’échelle internationale.

Les compétences et la prise en charge médicales dans les structures publiques sont similaires sinon meilleures que celles du secteur privé qui se distingue essentiellement par le confort, le service d’hôtellerie et le comportement humain du personnel médical et paramédical.

Laboratoire à la Faculté de médecine de Tunis.

Pour terminer, apprenons à écouter les jeunes, surtout s’ils sont critiques vis-à-vis des décideurs et pourquoi pas de leurs enseignants. De toutes les manières, quels que soient l’endroit et les intérêts d’où l’on parle, la politique de la santé en Tunisie est à revoir.

* Professeur de médecine, Faculté de Pharmacie de Monastir.