Pourvu qu’on n’en revienne au boomerang dévastateur qui fait éclater des violences généralisées par l’instrumentalisation de la religion, de la femme ou d’on ne sait quel autre sujet!
Par Karim Jaffel
Ramadhan... c’est le mois sacrée. Pour tous les musulmans de la terre. C’est le mois du siyam (jeûne) et des bienfaits. C’est le mois qui rassemble autour d’une même table grands et petits, dans une ponctualité sans délai.
C’est aussi le mois des prières avec celle du ‘isha bien convoitée. Pour certains, c’est une occasion de regarder à l’intérieur de soi et de faire preuve de densité. Le jeûne est respecté pour ceux qui peuvent l’observer. Il devient sujet de discussion, non pas pour sa sacralité, mais pour ses versants thérapeutiques et son côté pédagogique à calmer les envies des petits à grignoter.
Le quart d’heure de gloire du mufti
Ramadhan, c’est aussi le mois de la consommation et de la spéculation. Les achats impulsifs font mal au budget. L’élan de solidarité, prévoyant le paquet de lait, des pâtes et quelques légumes frais est laissé de côté face aux sollicitations pour les pièces de monnaie... bien plus appréciées.
Ramadhan c’est dans quelques jours et nous aurons droit comme toujours au suspens devant la télé! Nous attendrons le mufti venir solennellement nous annoncer qui... du calendrier ou de la science aura gagné! Le calendrier annonce le 20 juillet, alors que le planétarium de l’émirat de Sharjah estime l’impossibilité de voir le croissant de lune pour le 19 juillet. De ce fait, Ramadhan est scientifiquement prévu pour le 21 juillet. Mais soyons tolérant et attendons le mufti nous surprendre par sa déclaration.
Il faut quand même le dire! Ramadhan, cette année, sera aussi en pleine saison d’été ! C’est la météo avec ses journées de 35 et de 40 degrés et ses nuits avec son lot de moustiques immunisés. Le climatiseur a ses bienfaits et pèse encore sur un budget déjà provisionné par les soldes, l’aïd et la rentrée scolaire… il ne faut pas les oublier.
Les formalités pénibles devant les guichets
Juillet et août, c'est aussi la séance unique pour la fonction publique! C’est l’horaire adapté et les formalités pénibles devant les guichets. C’est comme un film au ralenti auquel on a volontairement bruité le son. Un fleuve de patience et de tolérance! On se calme malgré tout. Pour quelques uns la nature reprend le dessus. Le cerveau reptilien, en manque de glycémie, attaque et surgit on ne sait ni quand ni comment! C’est ce que l’on appelle la hachicha (mauvaise humeur) de Ramadhan.
J’ai oublié les jeunes! Ils sont en vacances aussi. Sans généraliser, c’est souvent le lève-tard, le coucher tard et le farniente à la longueur de la journée. Si ce n’est pas l’ordinateur et les vidéos partagées, c’est les films loués un peu comme pour s’anesthésier! La rupture du jeûne vient rompre momentanément cette oisiveté. Mais à peine la table débarrassée, les sitcoms sont là sans tarder avec leurs fleuves de publicités. Et puis c’est soit les parties de belotes qui ne finissent jamais ou des films un peu plus violents que ceux de la matinée.
Et les médias... que nous réservent-ils pour ce mois saint? Peut être des experts venus nous benchmarker sur le phosphate de Gafsa avec celui de la Chine ou celui des Etats Unis? D’anciens ministres «technocrates» nous exposer des solutions à cette pandémie de chômage et de précarité? Ou encore des débats entre recteurs d’universités, syndicats et patronats évoquant la valeur de chaque diplôme tunisien délivré? Peut être aussi... des scoops en caméras cachés sur les best of de l’Assemblée nationale constituante (Anc)?
Les traditions culturelles et le charme du passé
Ramadhan, le mois saint de la baraka et de l’encens qui parfumait chaque maison de la Tunisie! Il y a de cela quelques années déjà que Bab Souika et Halfaouine ne sont plus ce qu’elles étaient: l’odeur du bon café à la fleur d’oranger, les rues bien nettoyées aux pavés luisant sous les lumières des réverbères, les cafés chantants et les esprits revigorés par des comptines de Abdelaziz El-Aroui tellement bien racontées.
Le festival de la Médina prend tout de même le relais et redonne vie aux ruelles de la Kasbah abandonnées. C’est vrai! Mais c’est quand même bien de conserver ses traditions culturelles et le charme du passé. Peut-être un projet à venir pour relier son présent à son passé et revoir des ramadhans illuminés bien plus riches en sous modalités que des achalandages de vitrines bien décorées.
Enfin, nous n’en sommes pas là! Nous avons d’autres priorités et quelques craintes tout de même! Je crains qu’on n’en revienne au boomerang dévastateur qui fait éclater des violences généralisées par l’instrumentalisation de la religion, de la femme ou je ne sais quel autre sujet! Le lanceur supposé est bien servi en ce moment de l’année. Il n’a que l’embarras de choix parmi de croustillants sujets bien tatoués...
A suivre les actualités de ces dernières journées, le lancé de boomerang devient un sport national réservé. Il fait certainement mûrir quelques sujets de droit et de diplomatie, de règles et de courtoisie... mais à en voir la finalité, il éradique carrément des formes de respect et de communication interpersonnelle dans nos institutions républicaines!
Peut être un passage obligé dans ce chemin serpenté de la démocratie! En attendant pour paraphraser Gandhi: «Soyons le changement que nous voulons voir en Tunisie» et rendez-vous à la soirée du 19 juillet pour fêter le début de Ramadhan de cette année!
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