Entre M. Ghannouchi, le chef  d’Ennahdha, et M. Abdessalem, le ministre  des Affaires étrangères, il semble, comme le dit si bien le proverbe tunisien, que ce soit «Haj Moussa ou Moussa Haj».

Par Tarak Arfaoui


Outre les liens politiques qui les unissent et les liens matrimoniaux qui les rapprochent, beaucoup de liens sémantiques les confondent  tant les deux personnages ne font qu’un seul dans leur action politique faite d’opportunisme, de médiocrité et de double langage.

Duplicité, flou artistique et double langage

La duplicité, qui est la marque de fabrique des deux personnages, commence déjà par leur état civil où l’un et l’autre n’ont pas le courage d’assumer leur vrai patronyme.

Quel mal y a-t-il a se faire appeler publiquement par son vrai patronyme aussi incongru soit il même si on se prénomme Karakouz ou Tartuffe? A-t-on vraiment besoin comme le font certains artistes de se mettre une étiquette redondante pour réussir dans la vie et surtout en politique? Quel crédit peut-on accorder à un homme politique qui n’assume même pas son identité?

Un flou artistique concerne aussi leurs capacités, M. Abdessalem le bien nommé est parait il diplômé d’une grande école anglaise mais est-ce suffisant pour lui octroyer un poste ministériel aussi prestigieux et aussi stratégique que celui des Affaires étrangères traditionnellement réservé aux grands commis chevronnés de l’Etat ou l’expérience, l’envergure et la culture sont primordiaux? Des diplômés de ce genre, il y en a bien des milliers en Tunisie mais ils n’ont malheureusement pas la chance d’avoir un beau-père guide spirituel qui les sponsorise.

La haine du bourguibisme et de la francophonie

Quant à M. Ghannouchi, autoproclamé cheikh (selon quelles prérogatives?), il semble bien, selon ses fervents disciples, qu’il soit l’un des plus grands penseurs de la oumma islamique dont les nombreux travaux et écrits ne sont connus que par ses cercles intimes.

Quid de son instruction et de ses diplômes qui lui permettent de vilipender les élites du pays qualifiés de racaille, et de donner des leçons aux universitaires tunisiens? Il rappelle un certain Zaba – bac moins trois – qui, par le miracle d’un panégyrisme effréné nous a été présenté sous l’habit d’un Dr Honoris Causa (Cosa Nostra, disent les mauvaises langues) d’une célèbre université sicilienne!

Les deux compères, le beau-père et le beau-fils, ont aussi en commun leur parfaite maitrise de la langue arabe et leur totale répulsion de la francophonie qui est pourtant la deuxième langue parlée par les Tunisiens toutes couches sociales confondues. Ils ne ratent, par ailleurs, pas une occasion pour affirmer leur haine commune envers Bourguiba qui n’a d’égale que leur aversion des personnes qui se réclament du bourguibisme et, en premier lieu, Béji Caid Essebsi, l’ancien Premier ministre.

L’un et l’autre se targuent d’un grand militantisme passé à Londres et au Qatar en côtoyant pendant plusieurs années dans les quartiers chics les parvenus de ce monde. Ils ont opportunément pris en marche le train de la révolution, et ne manquent jamais une occasion de s’en autoproclamer.

Sur le plan de la communication politique, M. Abdessalem a largement étalé dans les medias ses graves insuffisances culturelles et sa totale méconnaissance des subtilités diplomatiques, qui l’ont subitement propulsé au sommet du hit-parade des clowneries des réseaux sociaux où il est devenu la risée de tous les cyber-activistes, mais à sa décharge, étant encore jeune, il n’arrive pas encore à la cheville de son beau-père et il lui reste beaucoup à apprendre dans le domaine de la manipulation médiatique.

Machiavéliques, opportunistes, pragmatiques et égocentriques

Il n’est pas facile de se proclamer guide suprême comme M. Ghannouchi et avoir cette inconsistance qui fait que les prises de position sont à géométrie variable selon les circonstances.

Il n’est pas facile de se présenter comme le plus grand militant anti-Zaba et oublier qu’il l’a glorifié – comme beaucoup de Tunisiens – dans les années de braise et qu’il a composé avec lui.

Il n’est pas facile de s’entourer sans vergogne d’ex-Rcdistes notoires et d’accuser l’opposition d’être un nid de Rcdistes.

Il n’est pas facile de défendre ouvertement la polygamie et se déclarer solennellement en faveur des acquis de la femme tout en lui recommandant de rester à la maison pour aider à résoudre le problème du chômage de hommes, comme si le droit au travail n’est pas reconnu aux femmes aussi.

Il n’est pas facile de vilipender publiquement la jeunesse tunisienne  et de la féliciter dans son expression salafiste.

Il n’est pas facile de dénigrer l’armée nationale puis de la glorifier quelques mois après.

Il n’est pas facile d’appeler à manifester par million dans la rue pour défendre l’islam et de se rétracter vingt quatre heures plus tard...

Bref, il n’est vraiment pas facile d’énumérer toutes les élucubrations contradictoires d’un homme politique de la trempe de M. Ghannouchi alias Kheriji. Il n’est pas facile d’être plutôt machiavélique que sincère, opportuniste que pragmatique et égocentrique revanchard aveuglé par le pouvoir.

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