Nous publions ci dessus le communiqué de la Dynamique citoyenne des Tunisiens à l’étranger (Dcte) à propos de Forum de Gammarth, le 9 juillet, et du Conseil consultatif des Tunisiens à l’étranger.
Nous avions dû attendre la date du 4 juillet 2012 pour prendre connaissance du programme officiel du Forum des associations prévu pour le 9 juillet à Gammarth.
Dans la matière la règle veut que ce programme soit diffusé un ou deux mois plus tôt. Entretemps toutes nos tentatives de collecter des informations fiables auprès des instances chargées du suivi de cette rencontre ont été couronnées d’échec. Les réponses étaient invariablement les mêmes: on n’a rien reçu d’officiel.
Dans le même temps, des Ovg (organisations «vraiment» gouvernementales) et un segment associatif très connu de la place, collaborant étroitement avec le secrétariat d’Etat à l’Immigration et aux Tunisiens à l’étranger, faisaient circuler depuis des jours voire des semaines, sur leurs réseaux ultra confidentiels et protégés, l’essentiel des données concernant cette rencontre.
Le 3 juillet, une association très liée à la coalition tripartite au gouvernement diffuse un entretien avec Karim Azouz, représentant officiel du parti au pouvoir Ennahdha en France, et accessoirement «chargé de mission au sein du secrétariat d’Etat à l’Immigration et aux Tunisiens à l’étranger» – dont les attributions n’ont toujours pas été clairement définies –, où il donne sa vision du processus de création du Conseil consultatif des Tunisiens à l’étranger. Il en prévoit la mise en place pour le mois de décembre 2012, à la suite d’une large consultation qui, selon lui, démarrera au mois de septembre.
Curieusement, le même jour, quelques heures plus tard, Houcine Jaziri, le secrétaire d’Etat à l’Immigration et aux Tunisiens à l’étranger déclare avec aplomb au journal de 20 heures d’Al-Wataniya1, comme pour «remettre à sa place» son chargé de mission (nous citons): «le 9 juillet nous allons annoncer la fondation (ta‛sîs) du Conseil consultatif des Tunisiens à l’étranger.»
Sans entrer dans plus de détails, voilà à peu près l’atmosphère qui a régné à la veille de la tenue de ce forum du 9 juillet: cacophonie, non-centralisation et déficience de l’information officielle, manque de transparence, absence de modalités de concertation, canaux officieux et clientélistes, combines et transactions politicardes.
Si, sur le plan des principes, la Dynamique citoyenne des Tunisiens à l’étranger (Dcte) se réjouit de la décision de créer un Conseil consultatif, c’est parce qu’elle voit dans cette structure l’aboutissement logique de longues années de lutte et de mobilisation des Tunisiens expatriés, et un outil indispensable entre nos mains pour défendre nos intérêts et prendre une part active à l’édification de la nouvelle Tunisie.
Cependant, la volonté manifeste de certains responsables gouvernementaux et associatifs d’en phagocyter la constitution tant attendue, et de la vider de sa substance, nous incite non seulement à être méfiant, mais à rester vigilant pour contrer tout danger d’instrumentalisation politique, au détriment des concernés eux-mêmes, qui guette le Hcte.
Au lieu d’un Conseil fort d’une présence associative large qui respecte les règles de la représentation démocratique et de l’indépendance (rien qu’en France, on dénombre 2.000 associations environ) et d’un vivier des personnalités qualifiées issues d’un spectre varié du monde du travail, de la science de l’art et de la culture, et d’une sorte de laboratoire d’idées pour infléchir une nouvelle orientation, et revoir de fond en comble, à la lumière des trois axes majeurs de notre révolution (liberté-dignité-travail), les dogmes qui définissent jusqu’ici la politique migratoire héritée du régime déchu, cette institution court le risque, à l’ombre d’un gouvernement intérimaire qui, par définition, ne peut prendre des décisions engageant notre avenir sur le long terme, d’être tout simplement parachutée et mise sous tutelle par le cabinet du secrétaire d’Etat, et ce en fonction des critères du loyalisme politique ou du quota partisan, alors que sa création – l’exemple italien, espagnol et portugais en témoignent – doit normalement s’effectuer transversalement par plusieurs ministères, être placé sous le haut patronage de la présidence de la république et être promulguée par la constitution, et non créée par un décret-loi.
La Dynamique citoyenne des Tunisiens à l’étranger met en garde les décideurs politiques contre toute velléité de reproduire à l’identique les méthodes haïssables de la dictature déchue. Elle rappelle que le Conseil consultatif doit se réaliser avec l’accord des Tunisiens à l’étranger et non contre leur volonté, en concertation avec l’ensemble des acteurs associatifs et non avec une seule partie. Elle dénonce les relations toxiques qui se mettent discrètement en place entre un segment associatif bien connu et des parties gouvernementales, des liens de nature à nuire, comme par le passé sous la dictature, aux intérêts de Tunisiens expatriés.
La Dynamique citoyenne des Tunisiens à l’étranger exprime son étonnement face à ceux qui prétendent régler un peu trop hâtivement la question de la réalisation d’une revendication vieille de vingt ans – le Conseil consultatif des Tunisiens à l’étranger – en deux heures de temps (de 11H-13H, discussions comprises d’après le programme officiel) et prévient contre toute tentative de passage en force au mépris des aspirations d’un million et demi des nos concitoyens expatriés.
Comme on le sait, l’organisation de ce Forum vient s’ajouter à une série de mesures prise dernièrement par le secrétaire d’Etat – sans débat préalable – pour alléger, entre autres, les taxes douanières sur l’entrée des véhicules usées, dont les conséquences directes sont un manque à gagner pour les caisses de l’Etat et l’aggravation des problèmes d’environnement dans notre pays.
Cette approche de la politique migratoire qui se résume à des largesses fiscales sur les produits importés dans le cadre d’un retour définitif, de plus en plus improbable, dénote d’une ignorance des mutations profondes que traversent la population tunisienne à l’étranger, et participe de la propagande électorale, populiste et démagogique.
Le souci majeur des Tunisiens à l’étranger réside dans les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent dans les pays d’accueil et dans l’absence d’une politique capable de répondre à leurs attentes économiques, sociales et culturelles.
La Dcte, à l’instar d’autres associations, annonce qu’elle ne se sent nullement concernée par cette opération de marketing politique, elle appelle en revanche à l’organisation sous les auspices de la société civile à l’extérieur comme à l’intérieur du pays des «Etas-généraux de l’immigration et des Tunisiens expatriés» à travers le monde, pour débattre de leurs problèmes et choisir la manière adéquate par laquelle ils veulent être représentés.
Pour terminer la Dcte rappelle qu’elle est toujours dans l’attente d’une réponse des autorités publiques à sa revendication essentielle à propos de la constitution des cinq pôles culturels tunisiens dans le monde (2 en France, 1 en Italie, 1 en Allemagne et 1 en Amérique du Nord) composé chacun d’un collège d’enseignement d’arabe et d’un Institut culturel tunisien.
Paris le 8 juillet 2012