Le jugement par contumace de l’ex-président Ben Ali pour le meurtre de manifestants sape la justice, estime l’organisation Human Rights Watch dans le communiqué que nous reproduisons ici.
Le procès qui s’est tenu auprès du tribunal militaire du Kef contre l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali et d’autres anciens responsables souligne les étapes qui restent à franchir si on veut que le système judiciaire de Tunisie puisse faire rendre des comptes de façon satisfaisante et équitable aux dirigeants du régime déchu. Human Rights Watch a observé le procès du meurtre des manifestants au cours de la révolte de 2010-2011 en Tunisie, qui s’est achevé le 13 juin 2012, et a étudié des parties du jugement écrit long de 1,066 pages.
Le problème de la culpabilité des hauts fonctionnaires
L’évaluation de ce procès – qui inclut 22 autres anciens hauts fonctionnaires – met en évidence des aspects positifs des procédures, mais conclut que des failles ont privé le tribunal des moyens d’identifier ceux qui ont commis les meurtres et de s’attaquer au problème de la culpabilité des hauts fonctionnaires. Elle souligne également que de telles affaires devraient dans le futur être jugées par un tribunal civil et non militaire. Enfin, même si le droit international n’interdit pas totalement les procès par contumace, elle affirme que Ben Ali, condamné à la prison à vie, a droit à un nouveau procès s’il retourne en Tunisie.
«Le procès de Ben Ali et des autres dirigeants est un pas important vers l’État de droit en Tunisie, mais le verdict restera insuffisant tant que Ben Ali ne reviendra pas dans le pays et n’affrontera pas les questions de ses accusateurs», a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. «Le gouvernement tunisien devrait également réviser les lois du pays afin de réduire la trop large compétence qu’ont les tribunaux militaires pour juger les éventuelles violations des droits humains commises par les forces armées et de sécurité».
Ben Ali s’est enfui en Arabie saoudite le 14 janvier 2011, et bien qu’un mandat d’arrêt international ait été émis contre lui, le gouvernement tunisien n’a fait que des tentatives de pure forme pour obtenir des Saoudiens qu’ils l’extradent en vue du procès. Le 17 février, à la veille d’une visite officielle en Arabie saoudite, le nouveau chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a déclaré sur Radio Sawa qu’il n’avait pas l’intention d’aborder l’extradition de Ben Ali avec ses hôtes, qualifiant l’affaire de «mineure», «pas une priorité».
Le procès de Ben Ali et des autres hauts fonctionnaires s’est tenu devant le tribunal militaire permanent du Kef, un des trois tribunaux militaires de Tunisie. Le tribunal s’est intéressé aux meurtres commis dans les gouvernorats du Kef, de Jendouba, Béja, Siliana, Kasserine et Kairouan en décembre 2010 et janvier 2011. La réaction des forces de sécurité avait été particulièrement violente à Kasserine et Thala, villes du centre-ouest, où 23 personnes étaient mortes et où des centaines avaient été blessées. Un second procès collectif, où Ben Ali est également un des ex-dirigeants jugés, est en cours auprès du tribunal militaire permanent de Tunis.
Les principaux jugements
Le tribunal militaire permanent du Kef a condamné Ben Ali à la prison à vie pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32 du code pénal. Il a infligé une peine de 12 ans pour le même motif à Rafiq Haj Kacem, ministre de l’Intérieur de novembre 2004 au 12 janvier 2011; et une peine de 10 ans aux responsables suivants: Adel Tiouiri, ancien directeur général de la Sûreté nationale; Jalel Boudrigua, ancien directeur de la police anti-émeute (Brigades de l’ordre public, Bop); Lotfi Ben Zouaoui, ancien directeur général de la Sécurité publique; Youssef Ben Abdelaziz, ancien brigadier-général de la police anti-émeute; et Khaled Ben Saïd, ancien directeur des forces spéciales antiterroristes. Le tribunal a aussi condamné six officiers de rang moindre à des peines de prison allant de 1 à 15 ans pour le meurtre de manifestants, en vertu des articles 201, 202 et 203 du code pénal.
Le tribunal a acquitté plusieurs autres inculpés, dont Ali Seriati, directeur général de la Garde présidentielle du 1er septembre 2001 au 14 janvier 2011, et Ahmed Friâa, ministre de l’Intérieur du 12 au 27 janvier 2011. Il a acquitté plusieurs chefs supervisant les forces de sécurité à Thala et Kasserine lors des agressions de manifestants, y compris Moncef Laâjimi, chef de la police anti-émeute à Thala du 10 au 12 janvier, et Moncef Krifa, à l’époque directeur régional de la police anti-émeute, ainsi que plusieurs autres officiers moins gradés.
Absence de preuves matérielles et de témoignages solides
Dans son évaluation du jugement écrit du tribunal militaire permanent du Kef (voir ci-dessous), Human Rights Watch relate les procédures, les témoignages et les preuves apportées par toutes les parties au procès, et explique le raisonnement suivi par le tribunal pour condamner certains inculpés et en acquitter d’autres.
Le procès au tribunal militaire permanent du Kef a débuté le 28 novembre 2011, après que des juges d’instruction civils des tribunaux de Kasserine, du Kef et de Kairouan ont renvoyé les dossiers de ces affaires au système judiciaire militaire, conformément à la loi n°70 d’août 1982 portant statut général des Forces de sécurité intérieure. Cette loi attribue aux tribunaux militaires les affaires impliquant des agents des forces de sécurité intérieure pour leur conduite dans l'exercice de leurs fonctions.
Pourtant, une norme en voie de cristallisation en droit international exige que les tribunaux civils soient compétents pour toutes les affaires de violation des droits humains contre des civils, indépendamment de la qualité civile ou militaire des inculpés. Les autorités tunisiennes devraient modifier les lois du pays pour limiter la compétence des tribunaux militaires aux délits purement militaires, a déclaré Human Rights Watch.
Le tribunal a tenu dix audiences pendant lesquelles il a interrogé les accusés, entendu les déclarations de plusieurs témoins, et examiné des requêtes de preuves supplémentaires de la part de la défense et des avocats des victimes. Les plaidoiries ont commencé le 21 mai. Après le verdict, le procureur et les avocats de la défense ont annoncé qu’ils feraient appel devant la cour d’appel militaire, créée par le décret-loi n°69 du 29 juillet 2011.
Le tribunal militaire affrontait un certain nombre de défis en jugeant cette affaire, a conclu Human Rights Watch. Le juge d’instruction militaire n’a pu identifier les agents précis des forces de sécurité ayant tué les manifestants que dans trois des 23 dossiers de Kasserine et Thala. Et il n’a pas pu trouver de preuves concrètes du fait que les supérieurs aient ordonné aux agents moins gradés d’utiliser une force meurtrière pour mater les manifestations. En l’absence de preuves matérielles et de témoignages solides, le procureur et les juges ont eu recours à un raisonnement déductif pour pouvoir condamner certains des chefs accusés.
Le concept de responsabilité du supérieur hiérarchique
Le code pénal tunisien est mal outillé pour juger de tels cas, a déclaré Human Rights Watch. Il ne traite pas du concept de responsabilité du supérieur hiérarchique, reconnu en droit international, qui impute aux chefs militaires et aux supérieurs civils la responsabilité des crimes commis par leurs subordonnés si ces supérieurs étaient au courant des crimes, ou avaient des raisons de l’être, et qu’ils avaient manqué de les prévenir ou de les punir. En droit tunisien, pour établir une complicité, le procureur doit généralement démontrer une connaissance réelle du crime et des ordres donnés pour le commettre. La Tunisie devrait intégrer dans sa législation le concept de responsabilité du supérieur hiérarchique, a déclaré Human Rights Watch.
«Ce verdict contre Ben Ali et ses chefs de sécurité envoie un message fort aux hauts responsables: ils doivent s’efforcer de prévenir les crimes graves et les violations des droits humains», a déclaré Goldstein. «Mais le gouvernement tunisien devrait agir rapidement, aussi bien pour obtenir le rapatriement de Ben Ali et le juger à nouveau, que pour mettre en place les réformes juridiques nécessaires pour que les futurs procès puissent remplir les critères internationaux».
Les procès des meurtres de manifestants
Un second procès contre l’ex-président tunisien s’est également conclu le 13 juin. Dans ce procès, le tribunal militaire permanent de Tunis a condamné Ben Ali par contumace à 20 ans de prison pour avoir incité les gens à s’armer et provoqué le désordre, en vertu de l’article 72 du code pénal. L’affaire concernait le meurtre de six personnes lorsque la police a ouvert le feu sur des membres des comités de défense de voisinage, le 15 janvier 2011 à Ouerdanine, une ville à 120 km au sud de Tunis.
Le 30 avril, dans une affaire antérieure portant également sur des meurtres pendant la révolte, le tribunal militaire permanent de Sfax a condamné deux policiers, Omran Abdelali et Mohamed Saïd Khlouda, à 20 ans de prison et 80.000 dinars d’amende (49.230 US$). Les policiers ont été reconnus coupables du meurtre de Slim Hadhri, abattu alors qu’il participait à une manifestation le 14 janvier 2011 à Sfax, une ville à 270 km au sud de Tunis.
Un second procès collectif est en cours au tribunal militaire permanent de Tunis, où 42 personnes sont accusées d’avoir tué 43 manifestants dans les gouvernorats de Tunis, l’Ariana, la Manouba, Ben Arous, Bizerte, Nabeul, Zaghouan, Sousse et Monastir. Comme dans le procès du Kef, on trouve parmi les inculpés du procès de Tunis, Ben Ali, ses deux ex-ministres de l’Intérieur et les ex-directeurs généraux des forces de sécurité. Les autres accusés du procès de Tunis sont Mohamed El Arbi Krimi, directeur de la Salle d’opérations au ministère de l’Intérieur; Ali Ben Mansour, inspecteur général des forces de sécurité; et Rachid Ben Abid, directeur des Services spéciaux; ainsi que d’autres hauts gradés et officiers de moindre rang.
Respect des procédures, transparence et indépendance du tribunal
Le tribunal militaire permanent du Kef semble avoir respecté certains droits fondamentaux des inculpés. Ils ont eu droit à un avocat de leur choix et ont eu largement l’occasion de présenter des preuves à décharge et d’appeler des témoins à la barre. Des journalistes pouvaient assister aux procédures et ont largement couvert les points de vue des victimes et des avocats de la défense dans la presse écrite, la radio et la télévision.
La réforme du code de justice militaire de Tunisie, en juillet 2011, a introduit plusieurs améliorations au sein du système judiciaire militaire, en donnant aux victimes l’opportunité de déposer des plaintes, de faire valoir leur droit à réparation et d’être représentées auprès des tribunaux militaires. La réforme a également créé une cour d’appel, qui peut rejuger l’affaire aussi bien sur la forme que sur le fond.
Cependant, le ministre de la Défense préside le Conseil de la magistrature militaire, qui supervise la nomination, l’avancement, les mesures disciplinaires et la révocation des juges militaires, soulevant des doutes sur l’indépendance des tribunaux militaires.
Les autorités tunisiennes devraient réformer la législation pour restreindre la compétence des tribunaux militaires aux délits purement militaires, a déclaré Human Rights Watch. En droit tunisien, la compétence des tribunaux militaires est étendue pour couvrir également les crimes commis par les forces de sécurité. L’article 22 de la loi n°70 d’août 1982, portant statut général des Forces de sécurité intérieure, attribue aux tribunaux militaires la compétence de juger tous les crimes présumés commis par des membres des forces de sécurité, indépendamment de l’identité des victimes ou de la qualité des criminels supposés lorsqu’ils les ont perpétrés.
Cette compétence étendue va à l’encontre d’une norme fondamentale du droit international, qui exige de juger les violations des droits humains dans des tribunaux civils. Un corpus croissant de jurisprudence issu des organisations surveillant les droits humains exhorte les pays à juger dans les tribunaux civils le personnel militaire inculpé de violations des droits humains. Dans l’affaire Suleiman vs. Soudan en mai 2003, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a affirmé que les tribunaux militaires devraient seulement «connaître des délits d’un caractère purement militaire commis par le personnel militaire» et «ne devraient pas connaître des délits qui sont de la compétence des juridictions ordinaires». De plus, les directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, proclamés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, énoncent que «les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions d’une nature purement militaire commises par le personnel militaire».
Juger un inculpé par contumace, bien que ce ne soit pas interdit, est fortement désapprouvé par le droit international. Le tribunal chargé du procès devrait instituer des protections procédurales pour garantir les droits fondamentaux de l’accusé, notamment le fait d’être averti à l’avance des procédures, le droit d’être représenté en son absence, et une nouvelle détermination du bien-fondé de la sentence dès son retour dans le territoire de la juridiction.
Le code de procédure pénale tunisien ne contient pas de dispositions spécifiques pour les procès par contumace. Le tribunal du Kef a désigné un avocat pour défendre Ben Ali, mais cet avocat n’a pas participé pleinement aux procédures. Pendant les plaidoiries finales, il était présent, mais a décliné l’invitation à faire un exposé. Ces éléments indiquent que les protections procédurales minimales recommandées pour les procès par contumace étaient absentes dans cette affaire.
Fondements des condamnations
L’inculpation repose en grande partie sur les entretiens, réalisés par les juges d’instruction militaires, avec des centaines de témoins, mais peu d’entre eux étaient capables d’identifier les tueurs dans des cas spécifiques. Ils relatent les événements et décrivent la manière et les circonstances de l’utilisation de la force meurtrière par les policiers, mais n’identifient pas les gens qui ont tirés les balles fatales, en partie probablement parce que les forces de police opérant à Thala et Kasserine au moment des faits consistaient en un groupe mixte de policiers locaux et d’agents venus en renfort d’autres régions. En outre, le dossier ne contient pas d’informations balistiques détaillées. Au moment où le juge d’instruction civil avait commencé l’enquête, en février 2011, la plupart des corps avaient déjà été enterrés sans examen médicolégal correct. Les autorités ont fait exhumer six corps, mais ils ont révélé peu de preuves significatives.
Le juge d’instruction n’a inculpé que trois personnes pour avoir réellement tiré des balles fatales. Ce sont Bechir Bettibi, un officier de la police anti-émeute accusé d’avoir tué Wajdi Saihi à Thala le 12 janvier 2011; Mohamed Moujahed Benhoula, un officier de la police anti-émeute accusé du meurtre de Mohamed Amine Mbarki à Kasserine le 8 janvier; et Wissam El Ouartatani, le chef de police de Kasserine, accusé d’avoir tué Abdel Basset Kassemi le 8 janvier.
Tous trois ont été condamnés sur la base de déclarations de témoins et de collègues policiers. Les juges ont conclu que dans la plupart des situations, à Thala et Kasserine, la police avait tiré sur des gens qui n’étaient pas engagés dans des violences. Ils ont condamné deux des officiers pour meurtre sans préméditation en vertu de l’article 205 du code pénal et le troisième pour meurtre avec préméditation en vertu de l’article 201 du code pénal. Ils ont considéré que les actions des officiers ne répondaient pas aux conditions d’usage des armes à feu imposées par la loi n°4 de 1969, règlementant les réunions publiques, cortèges, défilés, manifestations et attroupements.
Les juges ont reconnu coupables certains chefs de sécurité alors qu’ils en ont acquitté d’autres, en se basant sur leur degré de contrôle des unités sur le terrain et en considérant s’ils étaient directement impliqués ou non dans l’organisation des forces de sécurité pour réprimer les manifestations.
Le juge d’instruction n’a pas pu trouver de preuves concluantes que les chefs aient ordonné aux officiers de police ou aux autres agents de sécurité d’utiliser une force meurtrière pour réprimer les manifestations. En réponse aux questions du juge, les officiers de police inculpés ont nié avoir reçu des ordres pour utiliser les balles réelles. Le juge d’instruction a également échoué à trouver des ordres enregistrés à la salle d’opérations centrale du ministère de l’Intérieur, où toutes les conversations téléphoniques de ou vers les lignes fixes de l’unité sont enregistrées sur un disque dur.
Les avocats défendant les trois directeurs généraux des forces de sécurité ont avancé que l’incapacité du procureur à prouver l’existence d’ordres d’utiliser une force meurtrière devrait entraîner leur acquittement, puisque le crime de complicité de meurtre, dont ils étaient inculpés, exige en droit tunisien la preuve d’un acte concret de l’accusé pour aider le meurtre.
De plus, certains inculpés ont tenté de démontrer qu’ils avaient pris les précautions nécessaires gérer la situation. Par exemple, Tiouiri, l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, a fourni la preuve qu’il avait donné l’ordre à tous les postes de police, le 9 janvier à 10 h du matin, de se retenir au maximum lorsqu’ils feraient face aux manifestants et d’éviter d’utiliser des balles réelles. Il a également clamé qu’après les incidents meurtriers des 8 et 9 janvier à Thala, il avait ordonné de remplacer les chefs de la sûreté des deux villes.
Dans le jugement écrit, les juges ont eu recours à un raisonnement déductif et à des preuves circonstancielles pour justifier la condamnation des directeurs des forces de sécurité. Ils ont conjecturé l’existence d’ordres d’utiliser une force meurtrière à partir de deux discours de Ben Ali. Dans le premier, le 10 janvier, il avait juré de mater durement les manifestations, et dans le second, le 13 janvier, la veille de son départ, il avait dit : «Arrêtez d’utiliser des balles réelles» - une phrase interprétée par les juges comme impliquant que des ordres d’utiliser des balles réelles avaient bien existé auparavant.
Les juges ont également déduit que tous les directeurs généraux des forces de sécurité faisaient partie de ce plan, puisqu’ils participaient aux réunions de crise les 9, 10, 11 et 12 janvier pour discuter d’une stratégie pour affronter les manifestations. Ils ont supposé que les ordres d’utiliser la force pour mater les manifestants étaient donnés par les plus hauts niveaux de l’État, via les directeurs généraux des forces de sécurité, aux directeurs régionaux de la police anti-émeute à Thala et Kasserine, qui ensuite transmettaient les ordres aux officiers moins gradés. Le fait d’échouer à identifier les gens qui ont abattu 20 des 23 victimes à Kasserine et Thala a réduit la capacité du tribunal à établir la vérité de ce qu’il s’est passé et les responsabilités individuelles dans les meurtres.
Fondement de certains acquittements
Huit inculpés ont été acquittés et le jugement écrit résume les preuves à décharge. Par exemple, Ali Seriati, ex-directeur de la Garde présidentielle, a été acquitté de complicité de meurtre prémédité parce que les forces qu’il commandait n’avaient pas participé à la répression des manifestants et qu’il n’était pas impliqué dans le processus de prise de décision au ministère de l’Intérieur. De même, Friâa a été acquitté parce qu’il avait été nommé ministère de l’Intérieur dans l’après-midi du 12 janvier seulement, après les tueries de Thala et Kasserine. Dès qu’il avait pris ses fonctions, Friâa avait demandé à son directeur de cabinet d’émettre un ordre ministériel pour que les agents fassent preuve de retenue lorsqu’ils répondent aux manifestations et qu’ils évitent d’utiliser des balles réelles.
Laâjimi a été acquitté de meurtre prémédité. Il n’était devenu chef de la police anti-émeute à Thala que le 10 janvier 2011, remplaçant un autre chef après que cinq personnes avaient été tuées, et plusieurs autres blessées dans la ville, le 8 janvier. Les juges ont revu les accusations contre lui et constaté qu’il n’avait supervisé la police anti-émeute que pendant deux jours avant que son supérieur, Boudrigua, lui eût ordonné de se retirer de la ville avec ses forces le 12 janvier. Les 10 et 11 janvier, personne n’a été tué à Tala, et le 12 janvier il n’y a eu qu’un meurtre. De plus, les juges ont reçu des témoignages de plusieurs subordonnés de Laâjimi confirmant qu’il leur avait demandé de rassembler toutes les armes des agents de la police anti-émeute et qu’il les avait enfermées en lieu sûr. Le 12 janvier 2012, Laâjimi a été nommé chef de cabinet adjoint au ministère de l’Intérieur.
Verdict du tribunal militaire permanent du Kef
Condamnés:
- Zine El Abidine Ben Ali, ancien président, condamné à l’emprisonnement à vie pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32 du code pénal.
- Rafiq Haj Kacem, ancien ministre de l’Intérieur, 12 ans pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32.
- Adel Tiouiri, ancien directeur général de la sécurité nationale, 10 ans pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32.
- Jalel Boudrigua, ancien directeur général de la police anti-émeute, 10 ans pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32.
- Lotfi Ben Ali Zouaoui, ancien directeur général de la sécurité publique, 10 ans pour complicité de meurtre en vertu de l’article 32.
- Youssef Ben Abdelaziz, ancien brigadier-général de la police anti-émeute, 10 ans pour meurtre avec préméditation en vertu de l’article 201 du code pénal.
- Wissam Ben Taha El Ouartatani, ancien chef de la police de Kasserine, 15 ans pour meurtre avec préméditation en vertu de l’article 201.
- Bechir Bettibi, lieutenant-colonel de la police anti-émeute, 8 ans pour meurtre en vertu de l’article 205 du code pénal.
- Aymen Ben Abbas al Kouki, 1 an pour homicide involontaire en vertu de l’article 217 du code pénal.
- Mohamed Benhoula, capitaine de la police anti-émeute, 10 ans pour meurtre en vertu de l’article 205.
- Khaled Ben Saïd, ancien directeur des brigades antiterroristes, 10 ans pour meurtre en vertu de l’article 201.
- Dhahbi Abdi, 10 mois pour meurtre en vertu de l’article 201.
Acquittés:
- Ahmed Friâa, ex-ministre de l’Intérieur du 12 au 27 janvier 2011.
- Ali Seriati, ancien directeur général de la garde présidentielle.
- Moncef Laajimi, chef de la police anti-émeute de Tala du 10 au 12 janvier 2011.
- Moncef Krifaâ, directeur régional de la police anti-émeute.
- Nomaan Ben Mohamed El Ayeb, major de la police anti-émeute.
- Ayech Ben Sousia, capitaine de la police anti-émeute.
- Khaled Ben Hedi El Marzouki, major de la police anti-émeute.
- Wael Ben Ali El Mallouli, premier lieutenant de la police anti-émeute.
- Hssine Zitoun, ancien chef de la police du gouvernorat de Kasserine, 10 ans pour meurtre en vertu de l’article 201.
Source : Hrw.