Les auteurs proposent un programme d’urgence pour redresser le secteur de la santé publique en Tunisie dont les maux ne sont que trop connus: manque d’équipements de base, de médicaments et de personnel médical, et inégalités régionales et sociales.
Par Maher Haffani* et Taïeb Houidi *
Il n’est pas de développement humain, social et économique sans une politique médicale et sanitaire garantissant l’équité entre tous les citoyens. Aujourd’hui, le constat est à un immobilisme du secteur sanitaire. Les promesses électorales sont fort heureusement oubliées. Elles prônent un désengagement de l’Etat des dépenses de santé au profit des associations caritatives, ce qui correspondrait à l’affaiblissement progressif du secteur public de santé, à l’image des modèles libanais ou égyptien.
Quant à la mise à niveau des structures de santé, il s’agit d’un programme déjà en cours avant la révolution que le gouvernement actuel traine à faire aboutir. En attendant, les inégalités s’accentuent entre littoral et intérieur, nord et sud, populations aisées et catégories modestes…
Nous proposons ci-après un programme d’urgence susceptible de redresser le secteur de la santé publique. Il s’attaque aux impérieux obstacles que sont l’amélioration des équipements de base, la mise à disposition de médicaments et de personnel médical, et la réduction des inégalités régionales et sociales.
1. Etat des lieux:
Il existe en Tunisie 2.258 centres de santé de base, 109 hôpitaux de circonscription et 36 hôpitaux régionaux. On dénombre 2,5 lits d’hôpitaux et 1,2 médecin pour 1.000 habitants.
Les dépenses de santé représentent 6,3% du Pib en 2011 (3,51% pour le seul secteur public), contre 7,2% en Turquie et en Algérie et 11,6% en Grèce et au Portugal.
Les dépenses de santé s’élèvent à 260 dollars américains ($US) en Tunisie, contre 380 en Algérie, 620 en Turquie et 2.700 au Portugal.
Les ménages assument 55 % des dépenses de santé contre 25% pour les caisses de sécurité sociale et 20 % pour l’Etat.
Il s’agit alors de mieux répartir l’effort, d’une part entre les bénéficiaires, d’autre part entre les régions, car les Tunisiens ne sont plus égaux devant la santé.
2. Pour améliorer l’efficacité des équipements de 1ère ligne
L’objectif est de mettre en œuvre une couverture plus juste, plus efficace et de meilleure qualité, en utilisant mieux la part du budget de l’Etat consacrée à la santé. Pour ce programme d’urgence, l’effort portera en priorité sur les centres de soins de santé de base (Csb) qui représentent les structures de première ligne des soins. La couverture médicale étant faible dans les villes intérieures, il portera ensuite sur l’hôpital régional et de circonscription, qui représente l’échelon intermédiaire, afin de réduire les inégalités territoriales au profit des régions de l’ouest et du sud.
Par ailleurs, il sera institué un engagement de 8 ans pour les étudiants sortants dès cette année dans les métiers de la santé, pour être affectés par le service public selon les besoins des régions. Ces affectations se feront en tenant compte de compensations (primes, logement…), tout en améliorant les équipements sanitaires dans les régions.
Equipements d'imageries médicales
* Centres de soins de santé de base (Csb):
- améliorer l’infrastructure permettant une activité d’hospitalisation pour des périodes courtes, compte tenu des faibles revenus de la population à prendre en charge et de l’éloignement de certains: acquisition de 4 lits pour 1000 Csb sur la base de 800 DT/unité (avec matelas, potence et matériel approprié), ainsi que 3.000 DT par Csb en moyenne pour dépenses diverses (à affecter selon les cas): (4.000 lits x 800 DT) + (3.000 DT x 1.000 Csb) = 6,2 millions de DT;
- recruter un médecin, une sage-femme et un infirmier dans 700 Csb (3.000 DT bruts/mois pour les médecins, 1.800 DT pour les sages-femmes et 1.200 pour les infirmiers) = 50,4 millions DT pour 700 Csb;
- mettre à disposition pour 12.000 DT/an les médicaments de la nomenclature hospitalière pour renouvellement de l’ordonnance. Il conviendra également d’instaurer la carte vitale pour lutter contre le vol de médicaments: 12.000 DT x 2.258 CSB = 27,1 millions de DT.
* Hôpitaux régionaux et de circonscription :
- mettre à disposition pour 36.000 DT/an les médicaments de la nomenclature hospitalière pour renouvellement de l’ordonnance dans 145 unités hospitalières : 36.000 DT x 145 unités = 5,2 millions de DT;
- recruter un médecin-dentiste et un infirmier dans 110 unités (3.000 DT bruts/Mois pour les médecins et 1.200 DT pour les infirmiers) = 5,6 millions de DT;
- équipements pour soins dentaires (15.000 DT par fauteuil + équipements bureau, ordinateur…) : 15.000 DT x 110 unités = 1,7 million de DT;
* Gratuité des soins pour les plus démunis:
Prise en charge pour gratuité des soins des malades indigents (200.000 familles), à raison de 400 DT/an, soit 200.000 x 400 DT = 80 Millions de DT.
Total général = 176,2 millions de DT
Emplois totaux escomptés : 3 500 emplois par an.
* Maher Haffani est médecin pédiatre et membre du parti Al Joumhouri et Taieb Houidi est membre du bureau exécutif du parti Al Joumhouri.