L’auteur, frère de Hatem Fekih, l’enseignant accusé d’avoir contribué à la fuite des épreuves d’arabe du baccalauréat 2012, défend l’innocence de son frère, victime selon lui d’une machination politique à laquelle Ennahdha n'est pas étranger.

Par Jaouhar Fekih*


Mon frère Hatem Fekih, militant nationaliste et syndicaliste depuis son plus jeune âge, est arrêté depuis le vendredi 6 juillet. Son honneur ainsi que celui de sa famille est jeté en pâture sur la voie publique. Une campagne de dénigrement et d’injures s’abat sur lui, par le biais du ministre de l’Education nationale, ainsi que sur les pages Facebook des Nahdhouis et des apparentés, le présentant comme un criminel et l’un des principaux accusés et responsables de la fuite du bac.

Où en sont les investigations?

Tout d’abord, je vais commencer par relater l’état actuel de l’affaire, c’est-à-dire ce qui existe dans les investigations de la justice jusqu’à ce jour. Pour ceux qui veulent s’en assurer, c’est l’affaire 24342/13 au tribunal de Tunis.

Dans les rapports de police et dans l’interrogatoire du juge d’instruction, Hatem a été contacté par un groupe d’élèves pour une séance de révision deux jours avant l’épreuve principale du bac. Ces derniers lui ont présenté un devoir à développer, insinuant que c’était le sujet du bac. C’était une simple photocopie et non un papier officiel, ne portant aucune entête ni quoi que se soit qui pourrait indiquer que c’était un document officiel. Il leur a alors bien clairement précisé – et ces élèves le confirment –    qu’un des sujets ne pouvait en aucun cas faire partie du bac puisqu’il figure dans le manuel scolaire. Donc il a développé avec eux le sujet n°1, ce même sujet (le n°1) faisait partie d’un devoir de synthèse proposé par Hatem à ses élèves au lycée en cours de l’année. Les élèves sont catégoriques dans leurs déclarations: ils affirment que Hatem leur a demandé de ne point se contenter de ce sujet, mais de réviser d’autres thèmes qu’il leur a conseillés.

La veille du bac, comme à son habitude, ainsi que celle de plusieurs professeurs, Hatem a envoyé des Sms à ses élèves leur demandant d’insister sur tels points, et il n’était question ni de l’énoncé, ni du fait que c’était un sujet du bac. 
Suite à tout cela, même dans l’état actuel, Hatem est traduit comme étant un élément secondaire dans l’affaire, et le maximum qu’on puisse lui reprocher (si on peut le faire) c’est le fait qu’il n’ait pas déclaré que ce groupe d’élèves détenait le sujet du bac, après l’épreuve du bac. Il est traduit pour un délit et non pour un crime, contrairement aux autres prévenus.

Alors, une question se pose, pourquoi cet acharnement sur Hatem, et pourquoi concentrer toute l’opinion sur lui?

Hatem depuis son plus jeune âge était dans le militantisme : du mouvement lycéen, au mouvement estudiantin, au syndicalisme, à la lutte contre la dictature, aux luttes pour les causes du nationalisme arabe. Hatem appartient à un courant de pensées nationaliste arabe, proche des islamistes en Tunisie et au monde arabe. De cet fait, il a été trésorier puis secrétaire général de l’organisation «Liberté et équité», bras d’Ennahdha dans le champ des «droits de l’homme».

Hatem, pendant des années, a milité corps et âme pour la défense des islamistes de tout bord alors qu’ils étaient emprisonnés et persécutés durant le règne de Ben Ali, et il a énormément enduré et pâti à cause de cela. Après la révolution, il est resté un cadre important dans cette organisation. Néanmoins, Hatem a commencé à avoir des positions de plus en plus critiques vis-à-vis d’Ennahdha sur certains points. La position la plus virulente, c’est quand il est apparu à la Télévision nationale Tunisienne, le vendredi 29 juin, pour critiquer le fait que le ministre de l’Education ait permis à son neveu de passer la session de contrôle, sans passer la principale. Hatem a également été très actif dans le sit-in devant le ministère pour dénoncer la fuite du bac, le 5 Juillet (la veille de son arrestation).

Quand le nom de Hatem est apparu chez un groupe d’élèves arrêtés qui affirmaient que Hatem a traité le sujet dans une séance de révision, au lieu de laisser les choses évoluer normalement, une machination mesquine s’est installée pour faire d’un jet plusieurs coups: «corriger» un allié récalcitrant et réfractaire devenu trop critique, en lui faisant porter le chapeau, neutraliser le syndicat de l’enseignement dans une première étape pour l’attaquer ensuite, attirer l’attention de l’opinion publique sur des faits secondaires pour faire oublier le vrai scandale de la fuite et cacher son ampleur.

La dérobade de «Liberté et équité» et Me Triqui Imen

Apres l’arrestation de son mari, la femme de Hatem a cru trouver de l’aide et du support chez trois parties : «Liberté et équité», ses amis politiques, et le syndicat.

1) «Liberté et équité» a esquivé dès le début, sa présidente prétendant qu’elle était en congé maître Triqui Imen a montré quelle notion de la liberté et de l’équité elle portait, en laissant tomber un cadre qui a enduré à cause de son combat au sein son organisation car il est devenu critique, alors comment cette organisation soit disant «des droits de l’homme» va-t-elle défendre le citoyen lambda? La présomption d’innocence n’ayant aucune valeur à ses yeux, «Liberté et équité» a prouvé qu’elle n’est pas comme elle le prétend au service de l’équité, mais au service d’un courant politique. Par son attitude mesquine, cette organisation a semé le doute sur le degré de culpabilité de Hatem. 
Dans un milieu politique guidé par le calcul et l’hypocrisie, des avocats proches de la mouvance islamique et nationaliste arabe qui ont côtoyé Hatem durant de longues années de combat et qui connaissent son degré d’intégrité ont accepté au début de le défendre puis l’ont lâché à la dernière minute. Honte à eux !

L’Ugtt lâche son militant

2) Les syndicalistes après avoir montré au début qu’ils allaient défendre Hatem, ont changé d’avis dès le lundi 9 juillet en se désistant, tombant dans le piège de certaines «confidences» de responsables sécuritaires qui ont laissé filtrer que Hatem est vraiment inculpé. Certains responsables sont même allés loin dans la besogne en jugeant et inculpant Hatem sans même avoir vu le dossier. Encore une fois, les conflits politiques et les différences idéologiques ont joué leur rôle. L’Ugtt et ses structures ont lâchés Hatem alors qu’elles étaient censées le défendre. Hatem, depuis 1985, et jusqu’à ce jour, militant et responsable syndicaliste a participé à tous les combats menés par l’Ugtt; que ce soit lors des luttes pour l’indépendance de l’Ugtt ou dans les conflits sociaux ou les luttes nationalistes ou lors de celles contre la dictature, il a toujours répondu présent. Ayant cru aux mensonges, le syndicat de l’enseignement secondaire est tombé dans le piège.

La cabbale et la désinformation

3) Les amis politiques de Hatem, bernés également par la désinformation, sont restés dans l’expectative. Comment peut-on douter d’un tel militant, après l’avoir côtoyé depuis qu’il avait seize ans. S’ils avaient eu une position ferme de soutien, ils auraient pu changer la donne au moins au sein des structures syndicales, ils se sont contentés du strict minimum.

Hatem, étant isolé de ses éventuels soutiens, la désinformation va commencer par le communiqué du ministère de l’Intérieur, le lundi 9 juillet, parlant «d’un agent qui a volé l’épreuve d’arabe du bac puis l’a donné à une élève, celle ci ayant payé un professeur d’arabe qui le lui a rédigé». Ce communiqué avait un double but : semer encore plus le trouble dans la tête de ceux qui hésitaient encore à prendre position et préparer l’opinion publique à l’étape suivante de l’instrumentalisation politique de l’affaire.

Hatem a été traduit devant le juge d’instruction le mercredi 11 juillet, ceux qui ont monté la machination croyaient qu’il serait seul, tel un ignoble voleur, mais derrière cet homme, se trouvait une famille soudée, croyant en la volonté de Dieu et élevée par un père, Youssef Fekih, ancien Sadikien, fervent militant syndicaliste et nationaliste. Ce père là leur a merveilleusement bien appris le sens des valeurs et a éduqué des générations à travers tout le pays en tant qu’instituteur, directeur et inspecteur de l’enseignement.

Des frères et sœurs qui avaient une confiance totale en l’innocence de Hatem, puisqu’ils connaissaient son intégrité. Une famille aguerrie par d’anciens épisodes de lutte et d’emprisonnement d’un des leurs.
Une famille qui s’est présentée, unie, dans la dignité malgré la douleur et la souffrance.

A ses côtés se trouvaient deux avocats courageux, voulant défendre la présomption d’innocence et croyant en la sincérité de la famille. Maître Youssef Lahmar s’était déplacé de Sousse et maître Halim Meddeb. A ces deux avocats s’est joint maître Chawki Khachnaoui.

Devant le juge d’instruction, Hatem a défendu avec courage, force et dignité son innocence et son honneur. A la sortie de l’interrogatoire, les avocats nous ont conforté dans notre conviction: Hatem était bel et bien au dessus de tout soupçon.

Monsieur le juge d’instructions a émis un mandat de dépôt pour complément d’enquête.

Alors que toute la famille de Hatem croyait que la justice prenait son cours et qu’elle était confiante dans l’aboutissement le l’affaire en faveur de leur proche, la machination médiatique, la manipulation et l’instrumentalisation politique vont continuer et s’accentuer. Le ministre de l’Education nationale va déclarer devant la Constituante, alors que Hatem était alors encore dans le bureau du juge d’instruction, qu’un mandat de dépôt a été émis contre six personnes en focalisant sur Hatem, en le nommant par ses deux initiales «HF» et en citant sa qualité de syndicaliste. Il a même déclaré que Hatem a commis des actes non dignes d’un éducateur. Ce ministre aurait dû parler lors de l’audition du laxisme de son ministère, de l’ampleur de la fuite, de sa responsabilité à lui et non du déroulement d’une enquête de justice, prenant même la place de cette justice en déclarant la culpabilité d’un citoyen qu’il a nommé HF. Drôles d’idées de la présomption d’innocence, de la justice et de son indépendance, de l’Etat de droit qu’a ce ministre appartenant à un parti soit disant libéral et défenseur des libertés.

Me Safraoui, Nasraoui et Ben Mrad se joignent au Comité de défense

En parallèle, avec la déclaration du ministre et croyant que son sort était scellé, sur les pages Nahdhaouis et leurs alliés, commencera alors une campagne d’injures, de diffamations et de désinformations à l’encontre de Hatem. On ne répondra pas à la campagne d’ignorants, comme d’habitude leur tactique c’est de trainer les autres vers les injures, l’action et la réaction pour faire oublier à l’opinion publique les vrais débats.

La légèreté du dossier de Hatem et la concentration des attaques sur un élément secondaire de l’affaire d’une part, l’instrumentalisation politique et l’ingérence dans le cours de la justice d’autre part, ont été le déclic rapide pour qu’un comité de défense prenne en charge le dossier de Hatem. Aux avocats qui l’ont assisté lors de l’audience avec le juge d’instruction, se sont joint maître Omar Safraoui, du «Groupe des 25», maître Radhia Nasraoui, maître Faouzi Ben Mrad, maître Mohamed Bouattour; d’autres sont en train de rejoindre le groupe.

Autour de sa famille, un comité de soutien commence à prendre forme pour que justice soit rendue.

A tous ceux qui ont cru avoir vendu la peau de l’ours avant de le tuer, la partie ne fait que commencer…

* Le frère de Hatem, accusé d’avoir contribué à la fuite des épreuves d’arabe du baccalauréat 2012.