L’expression fut prononcée, sans détour, sous la coupole de l’Assemblée nationale constituante (Anc) par un élu du peuple, Mahmoud Baroudi, du Parti Républicain! La boutade a fait mouche!

Par Atef Ghadhoumi


Et, l’ampleur du tollé fut telle que la séance plénière a été suspendue sous le brouhaha des députés de tous bords. Une image, hélas, de déjà vu!

Mais faut-il, par ailleurs, rappeler cette atmosphère nauséabonde qui règne au sein de notre assemblée nationale? Faut-il, encore, évoquer les sinistres autres épisodes, avilissants, qu’a vécus notre parlement mandaté, pourtant, pour rédiger la constitution de la deuxième république?!

La «malheureuse» expression «République bananière», objet de toute cette controverse et qui a subi, au fil des époques, un glissement sémantique revêt, désormais, ce sens polémiquant tant redouté et traîne au-delà de la sphère géopolitique dont elle est issue.

Un point d’histoire

Aussi, doit-on sa genèse à la plume de l'écrivain américain William Sydney Porter qui, dans son livre Cabbages and Kings (Choux et Rois) paru en 1904, évoque pour la première fois «a small, maritime banana republic».

L'expression est, dès lors, baptisée pour la postérité et figurera, à tout jamais, dans le registre satirique de la langue politicienne.

Si, au départ, cette association république bananière se réfère à ces Etats d’Amérique centrale corrompus et sous la houlette, des décennies durant, d’une firme multinationale, sans foi ni loi, monopolisant l’acheminement et la production des fruits exotiques et usant de son influence pour faire et défaire les dictateurs au gré de ses intérêts…, elle s’est vite imposée pour désigner tout régime privilégiant le népotisme au détriment de l'intérêt général, les faveurs au détriment des droits …

La Tunisie république bananière?

L’incident de l’hémicycle n’est que la manifestation réelle de ce ras le bol qui se généralise et qui monte face au règne de la médiocrité, de l’incompétence et de l’amateurisme.

Les cent perles dénichées par Mr Moez Ben Salem dans son article paru sur le journal en ligne KapitalisTunisie. Le bilan «remarquable» d’Ennahdha en 100 points en sont la parfaite illustration.

A cette hasardeuse gouvernance de l’Etat, au poujadisme manifeste, au flou politique s’ajoutent les nombreux scandales dignes d’une république de copains et de coquins…

L’extradition de Baghdadi Mahmoudi en catimini et la nomination antidatée du nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct) sans l’aval de l’assemblée Nationale Constituante ne constituent-ils pas les ingrédients d’une république bananière?

L’intervention du député de l’opposition Mahmoud Baroudi sonne comme un ultime appel de détresse avant que ce mal diagnostiqué et non traité ne gagne les organes vitaux de la république.

Les nombreuses réactions partisanes ou non, les prises de position, aussi nuancées qu’opposées, de la classe politique et des inconnus sonnent comme un ultime appel à l’ordre pour préserver les fondements de la République…

Mais, au-delà de la terminologie employée, aux adjectifs utilisés : république bananière, république de pois-chiche ou de cacahuètes, et dans l’attente de cet ultime sursaut citoyen manifestant à bras le corps son attachement à une république civile et éclairée, l’image de la Tunisie se ternit inéluctablement...