Et si les Tunisiens étaient victimes des politiques de diversion, exercées par les politiciens, ainsi que de la maladresse et du manque de clairvoyance des médias nationaux.

Par Feten Mkaouar Meziou


Depuis presque deux mois, toutes les commissions de l’Assemblée nationale constituante (Anc), tenues par une échéance fixée au 23 octobre prochain, se sont mobilisées pour finaliser leurs propositions dans le cadre de la rédaction de la nouvelle constitution.

Que se passe-t-il exactement à la Constituante?

Ce que l’on sait et l’on va suivre dans les deux prochaines semaines, c’est que ces propositions seront présentées au vote dans les séances plénières de l’assemblée. Et ce que l’on sait aussi d’avance, c’est que, pour le moment, les résultats du vote dans ces séances plénières n’ont presque pas fait de surprise, vue les accords internes entre partis, préalablement connus par nous tous.

Plusieurs articles de la constitution de 1959 seront, apparemment, retenus, car indiscutables, parfaits ou intouchables. En revanche, plusieurs autres articles vont être partiellement ou complètement modifiés comme l’on verra aussi de nouveaux articles proposés.

Nous verrons, a posteriori, toutes les composantes politiques et de la société civile ainsi que la presse, bombarder certaines propositions et certaines décisions de vote. A ce moment là, il faudra que l’on se pose juste une question: où étions-nous TOUS lors des travaux de préparation et de proposition des articles de la constitution.

En effet, et pour nous divertir, nous étions occupés à suivre et à dénoncer des actes, des attitudes et des événements, certes importants, mais qui n’auraient plus de possibilité d’être, si l’on focalise, à présent, notre attention sur les travaux des commissions de la constituante.

Où étions-nous lorsque la proposition du régime parlementaire a été votée? Et là, je m’adresse essentiellement aux journalistes et à tous les médias. Pourquoi n’avons-nous pas des informations quotidiennes sur les travaux au sein des commissions chargées de l’élaboration de la constitution? Il est important de suivre toutes les actualités politiques, économiques et sociales, oui, mais il est aussi très important, voire même décisif pour nous, pour nos enfants, pour la réussite de notre révolution et surtout pour l’avenir démocratique de notre Tunisie, de suivre la naissance de la nouvelle constitution.

Des médias qui divertissent mais n’expliquent pas

Pourquoi n’avons-nous pas vu, à temps, des articles qui vulgarisent et diffusent toutes les données sur les différents types de régimes politiques, sur les sens des termes indépendance de l’administration, liberté de la presse, etc.?

Pourquoi n’avons-nous pas suivi sur les plateaux des télévisions des émissions pour informer, discuter, et donner des explications sur de tels sujets importants, avant qu’il ne soit trop tard? Est-il plus important, à présent, de valoriser ou dévaloriser, les actes, les attitudes et les paroles des hommes politiques de différents partis. Tout est important, bien sûr, mais j’ai peur que l’on soit tombé dans la négligence de l’urgent et du décisif.

Je me demande juste si les journaux, écrits ou télévisés, avaient publié à temps, des chroniques sur l’avancement des travaux des commissions, aurait-on osé passer au vote concernant le régime du pays, aussi grand que soit ce sujet, dans toute la discrétion et l’incorrection?!

On aurait aussi aimé, en ce moment précis, voir ou lire des développements et des analyses sur les attitudes, les maladresses, les faiblesses et les erreurs répétitives de l’institution de la présidence de la république, et surtout sur  les raisons probables et discrètes d’une telle compagne contre la présidence, en ce moment précis où le régime du pays se décide!

Franchement, je me demande aussi comment des journalistes ont-ils pu omettre ou passer à côté des travaux de la commission qui voudrait proposer un article portant sur la liberté de la presse, mais avec une contrainte vague et ambiguë. Ne serait-il pas contradictoire de prôner, d’une part, la liberté de la presse, et de présenter, d’autre part, le processus de la constitutionnalisation de cette liberté au second plan, après les problèmes sociaux de confrontation et de provocation  qui ne font qu’hypnotiser la société civile?

N’a-t-on pas assuré une couverture parfaite des confrontations entre les journalistes de la télévision nationale et les sit-ineurs qui les critiques et les dénoncent? De l’arrestation du président du journal Attounisia suite à la publication d’une photo «touchant aux valeurs nobles de la société arabo-musulmane» ? Du procès de la chaine Nessma pour avoir diffusé le film d’animation Persépolis? Comment n’a-t-on pas compris qu’il s’agissait de manœuvres et de préparatifs pour mettre en garde, dans les travaux de la constitution, contre une liberté absolue de la presse? Comment n’a-t-on pas veillé sur le suivi de ces travaux afin de pouvoir transmettre l’information aux citoyens et les mobiliser à temps, s’il le faut?

N’avons-nous pas vu quelques projets remis en question et revus, par le gouvernement, suite à une bonne couverture médiatique et un mouvement à temps de la part de la société civile? L’exemple le plus proche étant celui du retour sur la décision de l’ouverture unilatérale des frontières avec les pays du Maghreb, ou encore plus loin, sur celle de l’interdiction des manifestations à l’avenue Habib Bourguiba.

Sincèrement, On aurait aimé avoir une couverture permanente des travaux des commissions de l’Assemblée constituante et une publication quotidienne des rapports de ces commissions.

On aurait aussi aimé lire des articles qui expliquent au grand public les objectifs et les missions de chaque commission, d’une manière claire et simplifiée, afin que les travaux et les rapports soient compris par tout le monde.

Gare à la manipulation et à la diversion!

Sauf que malheureusement, nous, citoyens Tunisiens, sommes aujourd’hui des victimes.

Nous sommes victimes des politiques de diversion ou celles de diffamation, exercées par les politiciens, comme nous sommes victimes de la maladresse et du manque de clairvoyance des médias.

Tunisiens réveillez vous! Gare à la manipulation des idées! Gare à la diversion! Gare à l’hypnotisation! Gare aux diffamations! Tout ceci ne mène qu’à une seule issue : un 7x2, aussi bien maquillé et camouflé, que l’on vivra encore et pour longtemps, une démocratie et une liberté illusoires!!

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