A l’occasion de la célébration de la fête nationale de la femme, lundi 13 août, un groupe de femmes a diffusé un manifeste appelant à préserver leurs acquis. Nous en reproduisons ci-dessous le texte intégral.


 

Femmes Tunisiennes

Symbole de la République

Pas de république sans égalité

Femmes tunisiennes combattantes, travailleuses

Dans les usines et les champs, dans les villes et les campagnes, dans les foyers et aux fourneaux, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités....

Unissons-nous pour:

- la liberté, la dignité humaine, la justice sociale et l’égalité,

- la citoyenneté pleine et entière;

- l’égalité des chances.

Les femmes tunisiennes dans la mémoire nationale :

° Elyssa je suis, celle qui selon la légende fonda Carthage il y a 3000 ans.

° Sainte Perpétue je suis, celle qui, native de Tébourba au troisième siècle, légua aux tunisiennes le premier ‘‘manuscrit’’.

° Kahéna la berbère je suis, celle qui combattit les invasions au septième siècle.

° Arwa la Kairouannaise je suis, celle qui imposa le contrat de mariage kairouannais et interdit la polygamie au 8e siècle.

° Om Mlel Sanhaji je suis, celle qui gouverna la Tunisie pendant la période islamique il y a de cela plus d’un millier d’années.

° Sainte Aicha Al Manoubia je suis, celle qui au 13e siècle dit non au mariage pour se consacrer à l’étude du Fikh avec Belhassen Chadli.

° Princesse Atef je suis, celle qui au 13e siècle se consacra à la science, à la connaissance et fondatrice de l’école Taoufikia.

° Aziza Othmana je suis, celle qui au 17e siècle fit don de ses biens pour  construire un hôpital, aider les plus démunis et libérer les esclaves.

° B’chira Ben Mrad je suis, celle qui lutta et souffrit des affres de l’oppression (1913-1993).

° Nabiha Ben Miled je suis, celle qui lutta pour l’indépendance de son pays (1919-2009).

° Taouhida Ben Cheikh je suis, celle qui fut la première femme médecin tunisienne en 1934; l’hôpital Montreuil à Paris porte mon nom.

° Habiba El Menchari je suis, celle là même qui retira son voile en 1924 lors d’une réunion avec les dirigeants du mouvement national.

Toutes les femmes tunisiennes je suis

Celles qui depuis des milliers d’années

Ne cessent de crier

Non à la soumission

Citoyennes tunisiennes nous sommes.

Les acquis:

° Promulgation du Code du Statut Personnel le 13 août 1956;

° Droit à l’éducation, au travail et au vote;

° Abolition de la polygamie et obligation de publier les bans;

° Limite de l’âge minimum du mariage et condition de consentement des conjoints;

° Interdiction de la répudiation; le divorce doit être prononcé uniquement par les tribunaux; création d’une caisse pour les allocations familiales;

° Adoption du principe de responsabilité familiale partagée;

° Droit de tutelle;

° Droit de choisir le régime de la communauté des biens lors du mariage;

° Egalité entre les hommes et les femmes dans le travail.

«La faillite (ou son contraire) d’une société tout entière est intimement liée à la condition sociale de la femme, de ses frustrations et de la peur qui l’entrave. Il appartient aux esprits éclairés de cette nation de se convaincre de leur égalité (avec les hommes)».

(Tahar Haddad, ‘‘Notre femme dans la charia et la société’’, publié en 1930 et réédité sous le titre ‘‘Notre femme, la législation islamique et la société’’, éd. Maison tunisienne de l’édition, Tunis, 1978.)

Réalités et défis :

° Harcèlement visant à limiter la liberté des femmes dans les espaces et les moyens de transport publics et à les contraindre au port d’une tenue vestimentaire ‘‘décente’’ et ‘‘conforme à la religion’’.

° Violences verbales visant à humilier les femmes, violences physiques visant à les terroriser, violence politique.

° Difficultés et souffrances dans les régions déshéritées.

° Perte de l’indépendance financière en cas de chômage.

° Arrêt prématuré de la scolarité (particulièrement dans les zones rurales).

° Non-reconnaissance des compétences féminines dans le domaine politique.

° Discrimination dans les propositions relatives aux droits des citoyennes dans la future constitution.

Défis:

° Promulgation d'une loi criminalisant toute forme de violence à l’égard des femmes;

° Instauration d'un observatoire pour la discrimination et les violences faites aux femmes;

° Adoption du principe de parité à tous les niveaux (parlement, conseils régionaux, municipalités);

° Reconnaissance des compétences féminines en garantissant leur participation à la vie politique et le droit des citoyennes tunisiennes à se porter candidates à tous les niveaux;

° Offrir les conditions en termes d’infrastructure et de crèches permettant aux citoyennes (et aux citoyens) d'assumer leurs responsabilités professionnelles et autres.

Garantir:

° Une couverture sociale aux travailleuses (aides ménagères, ouvrières, ouvrières agricoles);

° L’égalité des chances dans l’accès aux soins médicaux, l’enseignement, la formation, l’emploi et à la promotion à tous les niveaux;

° Le droit à la santé pour tous.

° Constitutionnalisation des droits humains pour garantir la citoyenneté et l’égalité entre les femmes et les hommes.