alt

Le chercheur italien analyse les perspectives d’évolution des institutions politiques en Tunisie sous la poussée du parti islamiste Ennahdha au pouvoir.

Par Giacomo Morabito*


Depuis le début 2012, la Tunisie a accueilli plus de deux millions de touristes, ce qui représente une augmentation de 40% par rapport à l’année précédente. Cette augmentation est due à la stabilité interne amenée par la nouvelle action politique et sociale du gouvernement tunisien, déterminé à se démarquer concrètement du précédent régime, dirigé par Zine el-Abidine Ben Ali. Exilé en Arabie Saoudite avec son épouse, l’ancien président de la république a été récemment condamné à la réclusion à perpétuité pour la mort de la répression des insurgés «Révolution de jasmin».

Ennahdha a besoin de regagner sa crédibilité

Les autorités tunisiennes travaillent également à récupérer les richesses que Ben Ali et sa famille avaient transférées à l’étranger pendant les années de son régime. À cet égard, l’actuel président du gouvernement, Hamadi Jebali, a annoncé que, pendant les dernières semaines, la Tunisie a réussi à récupérer des biens d’une valeur de 28 millions d’euros (M€), que Ben Ali avait placés au Liban et qu’on soupçonne d’être le résultat du pillage des richesses tunisiennes organisés par le clan de l’ancien président de la république.

En outre, le gouvernement a annoncé que les élections législatives en Tunisie auront lieu le 20 mars prochain, auxquelles participeront probablement aussi les islamistes de Hizb Ettahrir. Après avoir exercé ses activités illégalement, ce parti a récemment obtenu l’autorisation du gouvernement tunisien de mener des activités politiques. Considérant comme principal point de son programme politique l’application de la chariâ comme loi fondamentale de l’État, Hizb Ettahrir a le plus grand soutien au sein du mouvement salafiste tunisien.

alt

La "troïka" au pouvoir survivra-t-elle plus longtemps aux divergences politiques et idéologiques qui la traversent.

En attendant, le parti islamique modéré Ennahdha a besoin de regagner sa crédibilité, après l’enthousiasme qui a suivi l’élection de l’Assemblée nationale constituante (Anc). Le parti a pris un nouveau virage, tout en élisant Rachid Ghannouchi comme leader du parti avec plus de 72,5% des votes. Il va travailler pour mieux préparer les prochaines élections législatives du 2013, désirant présenter Ennahdha avec un visage différent de l’actuel.

La fracture insurmontable entre Ennahdha et les autres

Un autre visage sera certainement celui de la future constitution, qui sera peut-être affectée par la récente demande officielle de l’Unicef d’inclure les droits des enfants au sein de la nouvelle constitution de la Tunisie, dont le texte est en cours de rédaction et qui devrait être achevé à l’automne prochain.

Toutefois, il convient de noter que les accords entre les forces politiques représentées dans l’Assemblée constituante tunisienne sont bloqués, pouvant conduire à une fracture insurmontable entre Ennahdha, qui détient la majorité, et la plupart des autres formations politiques, qui se présentent comme réformiste. Le conflit est basé sur le choix du type de régime politique : ce sera le plus grand changement de la Constitution de la Tunisie, qui devrait définir le rôle des principaux acteurs institutionnels (parlement, président du gouvernement et président de la république) à l’avenir en Tunisie. Ennahdha soutient la création d’un système purement parlementaire, tandis que les autres partis un semi-parlementarisme marqué par un rôle plus «actif» du président de la république qui aurait des prérogatives claires.

alt

Une seule bannière, celle de la république, trône désormais en Tunisie.

Actuellement, les deux positions sont loin d’être en mesure de trouver un consensus et on peut craindre une éventuelle impasse durable. Pour éviter que cela se produise, la possibilité d’organiser un référendum sur ce point précis n’apparaît pas seulement comme une solution possible pour débloquer la situation, mais comme une acceptation d’une contradiction irrésoluble entre les différentes positions.

* Université de Messine.

Source: Medea (Institut européen de recherche sur a coopération euro-arabe).