altOn dit que pour connaître le coupable il suffit parfois de savoir à qui profite le crime, le crime de terrifier un peuple, de diviser une nation, de proférer des menaces de mort.

Par Meriam Hammami*


Le 15 août 2012 à Bizerte, des «salafistes» sont venus, à coups de bâtons, à dos de leurs montures au gasoil, menacer et brutaliser les organisateurs de la deuxième session du festival Al-Aqsa.

Je mets le mot «salafistes» entre guillemets en attendant une définition plus juste aux brigands armés et barbus auto-proclamés défenseurs de la religion et qui croient pouvoir s’approprier abusivement le rôle du Tout-Puissant, le seul et l’unique juge de nos âmes et de notre foi.

Une meute de brigands détentrice de la vérité absolue donc s’est adjugée la position de juge et de bourreau du peuple tunisien.

L’incident survenu à Bizerte n’est malheureusement que l’énième fait divers qui vient s’ajouter à une série d’incidents scandaleux.

Des voix se sont élevées plus d’une fois pour condamner cette montée de violence pour avertir du danger du dogmatisme, de cette hémorragie meurtrière qui ne s’arrêtera pas spontanément.

Les avertissements de la société civile semblent être accueillis comme les prophéties de Cassandre, comme des propos incompréhensibles et mensongers.

Depuis plus d’un an et demi la Ligue tunisienne pour la tolérance (Ltt) ne cesse de rappeler que le talon d’Achille de  toute révolution est l’intolérance. Car une nation, où chacun croit détenir la vérité et s’obstine à l’imposer aux autres, ouvre ses portes à une guerre fratricide. Un peuple qui s’entretue ne peut pas avancer, il va stagner d’abords et pétrir irréversiblement.

Divide et impera, diviser pour régner, un credo vieux comme le monde qui reste dangereusement efficace pour étrangler un peuple et porter une nation à l’agonie. Aux divergences politiques viennent s’ajouter une arme qui divise les Tunisiens entre musulmans et mécréants, laïques et islamistes, le partisans du drapeau noir et ceux du drapeau rouge, des divisons qui n’ont pas lieu d’être, qui ne mènent à rien de bon car l’affrontement se fait à coups de bâtons et d’injures.

Face à cette montée de violence, l’Etat doit prendre ses responsabilités pour garantir au peuple le droit à la sécurité et imposer la loi. Il est venu le temps aussi pour le parti Ennahdha (au pouvoir) de condamner ouvertement le mouvement «salafiste» violent.

Reste à savoir enfin qui sont ces barbus violents, ces brigands armés, ces hors-la-loi postrévolutionnaire à qui tout est permis.

On dit que pour connaître le coupable il suffit parfois de savoir à qui profite le crime, le crime de terrifier un peuple, de diviser une nation, de proférer des menaces de mort. Le crime de brutaliser des personnes sans défense et de saboter un festival en honneur de la Palestine.

*Vice-présidente de la Ligue tunisienne pour la tolérance (Ltt).