Pour faire face aux conséquences néfastes de l’économie libérale, les forces de gauche doivent se réunir autour d’un programme fondé sur une répartition plus équitable du profit par le biais du contrôle des impôts.
Par Dr Mohamed Cammoun
La «troïka», la coalition tripartite dominée par Ennahdha serre ses rangs alors que l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi crée un nouveau parti et lance l’idée d’un grand rassemblement.
Le premier mouvement, qui a l’avantage d’être au pouvoir et d’être islamiste modéré et qui semble renoncer à ses revendications islamistes radicales, pourrait être fédérateur et conduire le pays vers un consensus politique et nous permettre ainsi de traverser cette période de transition plus facilement.
Le deuxième mouvement incarné par M. Caïd Essebsi et son nouveau parti a lui aussi l’ambition d’être fédérateur en regroupant les modernistes, les démocrates, les laïques, les destouriens «propres» mais aussi une grande partie de la frange sociale éduquée jeune et dynamique, les «libéraux», les cadres moyens, les hommes d’affaires, les habitants des villes sans les faubourgs populaires.
Les ambitions fédératrices des uns et des autres
Ces deux mouvements chercheront à conquérir les faveurs de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) en tant que force sociale puissante pour mener à bien leurs ambitions fédératrices.
Ces deux mouvements s’affronteront un jour, en période d’élection par exemple, et les électeurs pour choisir leur parti regarderont le programme économique avant toutes autres considérations, en particulier religieuses, celles-ci ayant déjà fait leurs preuves avec comme résultat un peuple sans aucune visibilité pour son avenir et en colère.
Où en est le programme économique d’Ennahdha et de la «troïka»! Ce programme n’a jamais été publié ni avant ni après le congrès. Il apparait cependant à travers tous les discours et écrits des ministres et des hauts responsables sur tel ou tel problème que ce programme est celui d’un parti de droite.
Le parti Nida Tounes n’a pas non plus dévoilé le sien. Mais il se dit démocrate et centriste.
Les deux mouvements sont pour une économie libérale et comptent sur des investissements privés, nationaux, étrangers et internationaux et sur les emprunts. Ni l’un ni l’autre ne compte sur l’Etat comme principal acteur économique, comme ce fut le cas pour l’époque bourguibienne.
Il n’y a pas de différence entre les deux programmes: le problème n’est pas de choisir entre les deux; mais que le choix soit «entre la peste et le cholera».
Cette politique libérale conduit les plus riches à être encore plus riches et les pauvres à rester toujours pauvres. La justice sociale passe obligatoirement par une meilleure répartition des richesses. Quand les riches auront compris que pour vivre en paix, il leur faut admettre un minimum de justice sociale et accepter une répartition équitable des richesses nationales, pour qu’une société équilibrée sans conflit majeur puisse naître.
Malheureusement, les deux mouvements politiques sont incapables de réussir un tel projet sans un programme économique qui vise clairement la justice sociale à laquelle aspire le peuple tunisien depuis des décades.
La régulation économique par l’impôt
Ce programme est réalisable et ne paraît pas utopique. La Tunisie réunit toutes les conditions humaines: peuple éduqué, uni et qui ne demande qu’à travailler. Pays pas riche, certes, mais pas pauvre non plus, ses ressources multiples et variées ne demandent qu’à être exploité. Ses cadres sont nombreux mais au chômage, comme les travailleurs dont beaucoup passent leur temps au café, rechignent à travailler et demandent des salaires excessifs, disent les entrepreneurs.
Dans le système économique libéral, et quel que soit le salaire demandé par le travailleur, celui-ci est déclaré excessif par l’employeur qui ne recherche que le profit maximum. Mais qui fixe le profit? Le marché? Le système économique? Et si l’Etat prenait en charge le contrôle par le biais des impôts et redistribuait le surplus pour tout ce qui est indispensable à la société: transport, hôpitaux écoles, logement travaux publiques, etc.
Les pays nordiques cités souvent en exemple ont suivi la même voie basée sur une bonne répartition du profit par le biais du contrôle des impôts.
Un regroupement de la gauche autour d’un tel programme s’impose.