altToutes les tentatives entreprises pour «changer» un peuple sans son consentement sont non seulement vouées à l’échec, mais risquent de déboucher ou bien sur une guerre civile ou d’enfanter d’un régime autoritaire.

Par Salah Oueslati*


Si le peuple doit changer de dirigeants quand ils ne valent rien, parfois les dirigeants souhaitent changer de peuple quand celui-ci ne leur convient pas.

Cette remarque de Bertolt Brecht cerne assez bien l’état d’esprit des dirigeants d’Ennahdha et de leurs alliés salafistes après leur arrivée au pouvoir à l’issue des élections d’octobre 2011.

«Changer» le peuple au lieu de le servir

Il n’est un secret pour personne que les islamistes ont toujours eu une vision étroite et une approche unidimensionnelle de l’identité du peuple tunisien. Ils n’ont jamais accepté sa composante moderniste et progressiste pourtant majoritaire dans le pays. Leur objectif a toujours été d’imposer une idéologie wahhabite totalement étrangère à l’histoire, aux traditions et à la culture de ce peuple. Alors que le salafistes affichent clairement leur but et optent pour la violence et la terreur afin d’imposer leur idéologie, les Nahdhaouis ont choisi la voie électorale pour parvenir à leur fin.

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Le peuple tunisien n'est pas assez conforme aux standards importés d'Arabie saoudite.

Depuis l’élection de l’Assemblée nationale constituante (Anc) et la formation du gouvernement provisoire, ces derniers ont montré qu’ils sont animés non pas par le désir de servir la société, mais par la volonté de prendre sa revanche sur elle. Toutes les manœuvres insidieuses employées pour maintenir le maximum d’ambiguïté dans la rédaction de certains articles de l’avant-projet constitutionnel rentrent dans le cadre de cette volonté obsessionnelle de vouloir «changer» le peuple au lieu de le servir. Les islamistes veulent instaurer une constitution qui au lieu d’être un acte libérateur de tout un peuple du joug de la tyrannie, risquerait de devenir une camisole de force en vue de son asservissement.

Chassez la chariâ par la porte elle revient par le fenêtre

Tout le monde pensait que la décision du «guide suprême» Rached Ghannouchi de mettre fin à la polémique sur l’introduction de la chariâ dans la nouvelle constitution, faute de consensus national sur la question, était définitivement clause. C’est oublier que les leaders d’Ennahdha excellent dans l’art du double, voire du quadruple langage: un discours destiné aux médias étrangers, un à l’opinion tunisienne, un autre entre hauts dirigeants de ce parti derrière des portes clauses, et enfin, un aux bailleurs de fonds qataris et wahhabites dont on ne saura jamais la teneur. Les multiples contradictions introduites dans la première version du projet constitutionnel présenté par les leaders d’Ennahdha est une parfaite illustration de cette stratégie.

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Le théâtre, la musique, les arts sont menacés par les islamistes extrémistes.

Il est paradoxal que des Tunisiens, dont l’héritage culturel est plus proche de l’Andalous Averroès que de celui d’Ibn Abd Al-Wahhab, adhèrent à la doctrine de cet obscur théologien du 18e siècle qui en s’alliant à Al-Saoud leur a permis de dominer les tribus arabes voisines en leur donnant une légitimité religieuse. Une domination politique et culturelle que les Saoudiens tentent aujourd’hui d’imposer à l’ensemble du monde arabe grâce à des mercenaires grassement payés en pétrodollars.

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Les journalistes craignent pour leur liberté nouvellement retrouvée.

Aveuglés comme ils sont par leur idéologie obscurantiste, les Nahdhaouis oublient ce que l’histoire nous enseigne: toutes les tentatives entreprises pour «changer» un peuple sans son consentement sont non seulement vouées à l’échec, mais ont une forte chance de déboucher ou bien sur une guerre civile ou d’enfanter d’un régime autoritaire, voire totalitaire à l’instar des régimes stalinien, nazi ou des Khmers rouges, pour ne citer que ces trois exemples.

* Maître de conférences.