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Lettre ouverte à Slim Ben Hmidane, ministre des Domaines de l’Etat, qui voit dans l’émission d’humour politique ‘‘Ellogik essiyessi’’ une atteinte au prestige de l’Etat. De quel Etat?

Par Hatem Nafti


Monsieur le Ministre.

Dans une déclaration  au journal ‘‘Assabah Al Osbouî’’, vous vous en prenez à l’émission télévisée ‘‘Ellogik essiyessi’’, l’une des déclinaisons tunisiennes des ‘‘Guignols de l’info’’ de Canal+. Vous affirmez que cette émission fait dans l’excès de dérision en s’attaquant aux symboles de l’Etat, affaiblissant ainsi le prestige de l’Etat. En lisant ces propos, mon sang n’a fait qu’un tour.

Je ne commenterai pas le volet judiciaire de l’affaire Samy Fehri; je note juste que ces propos tombent opportunément au même moment où un mandat de dépôt a été émis contre ce dernier.

Le mot qui m’a le plus choqué, c’est «haybat eddawla» (prestige de l’Etat). Mais de quel prestige parlez-vous, monsieur le ministre?

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Ghannouchi, Jebali, Marzouki- des marionnettes plus vraies que nature.

Le prestige qui fait qu’un personnage n’ayant aucun titre officiel dans l’Etat dispose d’un passeport diplomatique, accordé en catimini?

Le prestige qui donne à ce monsieur le droit de recevoir des officiels, accède à la zone internationale de l’aéroport de Tunis-Carthage sans y avoir le droit?

Le prestige qui fait que des milices à la solde d’un parti au pouvoir terrorisent les manifestants pacifistes quand ceux-ci réclament les droits les plus fondamentaux comme l’eau et l’électricité?

Le prestige qui fait que des policiers refusent d’exécuter des mandats d’amener ou de dépôt visant des personnes soupçonnées d’avoir tué des martyrs, des personnes mortes pour que vous soyez au pouvoir...

Le prestige en vertu duquel votre gouvernement accorde le visa à un parti qui ne reconnaît ni l’Etat ni la constitution ni la démocratie?

Le prestige d’un Etat qui pratique les deux-poids deux mesures dès qu’il s’agit des salafistes extrémistes. Ces derniers, des hors la loi, bénéficient du laxisme de votre gouvernement alors que des pauvres citoyens demandant leurs doits les plus fondamentaux sont broyés par la répression la plus féroce

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Manifestation à Tunis contre la censure à la télévision

Le prestige qui fait que la jonction entre le parti au pouvoir et le gouvernement passe officiellement par… le chef de ce gouvernement (cf. dernières nominations au bureau politique d’Ennahdha)?

Le prestige qui fait qu’un ministre conseiller chargé des médias possède lui-même un (ou plusieurs) média(s)?

Le prestige qui fait que ce même ministre-conseiller appelle ses partisans à sortir dans la rue?

Au nom de ce même prestige, on prend acte du vote des députés avant qu’il ait lieu (révocation de Mustapha Kamel Nabli et nomination de Chedly Ayari à la tête de la Banque centrale de Tunisie- Bct).

Votre gouvernement a plus nui au prestige de l’Etat que tous les guignols réunis.

Nous savons que le problème n’est nullement le prestige de l’Etat; il s’agit juste de frapper la liberté d’expression.

Au moment où j’écris ces lignes, une première mondiale est en train d’avoir lieu: le directeur d’un groupe de presse, ex-rcdiste de son état, nommé par votre gouvernement, est en train d’empêcher la parution d’un journal dont le contenu ne lui plait pas.

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Slim Ben Hmidane, qui préfère parler à la chaîne qatarie Al-Jazira plutôt qu'au médias tunisiens, parle encore de prestige

La liberté d’expression est plus que jamais touchée. Pourtant, je n’ai pas eu le souvenir de vous avoir entendu vous offusquer de ces pratiques que votre parti prétend combattre. Par contre, votre affliction face à trois marionnettes en latex a été claironnée sur tous les toits.

En tout cas, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de nous avoir expliqué la finalité de la loi criminalisant l’atteinte au sacré. Cette loi sera très pratique pour sacraliser les hommes officiellement et officieusement au pouvoir. J’espère qu’en vous  critiquant de la sorte, je ne commets pas de sacrilège. Sait-on jamais...

 

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