altSihem Badi, ministre en charge de l’Enfance, ne peut pas faire grand-chose pour protéger les enfants. Et pour cause: elle moins de temps avec les enfants que dans les avions et les hôtels.

Par Sami Hadri*


J’ai suivi avec étonnement la conférence de presse de Mme Sihem Badi, ministre de la Femme, et qui est aussi en charge de la Famille et de l’Enfance, dans laquelle elle a fait part de son indignation pour les graves lacunes entachant le projet d’article 31 consacré à l’enfance dans la constitution en cours de rédaction au sein de l’Assemblée nationale constituante (Anc).

La distance entre le droit et la réalité

Ces lacunes concernent l’absence de toute référence à l’intérêt supérieur de l’enfant et aux droits de l’enfant inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.

Cette convention, on le sait, interdit l’exploitation des enfants. Or, c’est exactement ce à quoi se prête le ministère et ce avant et après la révolution.

En vérité, la ministre veut ramener le débat au plan juridique et ferme les yeux sur la réalité.

Les rues de Tunis et des autres villes – dans les zones rurales la situation est pire – débordent d’enfants mineurs dealers de tabac et autres produits de contrebande, vendeurs de «mechmoums», chewing-gum, etc.

Les enfants accros à l’alcool, tabac, cannabis, et puis chacun sa drogue et chacun ses illusions. Dans les quartiers pauvres, les enfants se contentent des chaussettes, de la colle et des déchets ménagers pour décrocher de leur triste réalité.

La surenchère médiatico-politique en guise de politique

Les données recueillies auprès des directeurs des centres relevant du ministère ont révélé que, pour l’année écoulée, les lauréats de l’examen du Bac, parmi les enfants pris en charge par les Centres intégrés pour l’enfance, représente à peine 20% de l’ensemble des candidats de ces centres. Bien entendu aucune information n’a filtré et aucune mesure n’a été prise pour remédier à cette situation. Il ne fallait surtout pas attenter à l’égo de la ministre censée faire partie du «gouvernement le plus fort que le pays a connu dans son histoire».

Fort, trop fort même. La preuve: les phénomènes de maltraitance et d’exploitation des enfants sont légions dans les établissements relevant du ministère chargé de l’Enfance. Les rapports à ce sujet affluent de toutes parts, mais la ministre préfère la réserve et la discrétion à la divulgation des dépassements à l’encontre des enfants qu’elle est censée protéger.

Un ministère, qui se montre incapable de protéger les enfants déshérités ou menacés qu’il héberge dans ses propres centres, est-il en mesure de remplir sa mission au service des enfants de la Tunisie entière?

Mme Badi se contente donc de la surenchère médiatico-politique; elle parle au lieu d’agir, et se tait là où elle doit parler et fuit les vrais combats, qui ne sont pas à mener seulement dans les textes législatifs, mais aussi et surtout dans la dure réalité.

Il faut dire, à la décharge de Mme Badi, qu’elle a passé moins de temps avec les enfants que dans les avions et les hôtels.

* Sociologue.