altLe combat en Tunisie est entre l’esprit politique et l’esprit scientifique. Le premier a besoin de dogmes; le second doit résister par la démonstration... En journalisme, l’esprit politique donne plus de fans que de lecteurs.

Par Jamel Heni

 

J’ai eu le loisir de lire le 4 septembre 2012 une tribune assez bien tournée d’un journaliste confirmé. Il s’agit d’un papier-bilan tous azimuts du gouvernement transitoire, avec les arguments d’usage en matière d’analyse politique: les contre-exemples, les promesses non tenues, les contradictions et les paradoxes! Il s’agit d’un réquisitoire sans ponctuation, contre l’exécutif, et de «scènes de grands» vis-à-vis de l’opposition!

Un journalisme prosaïque

Il y a lieu d’évoquer un pamphlet, plein d’humour et de «pièces», mais un pamphlet quand même où l’esprit politique pousse invinciblement vers un jugement plutôt qu’une analyse, une synthèse d’éventements qu’une histoire politique, une justification qu’une preuve, une conclusion qu’une hypothèse, une certitude qu’une problématique!

À en juger par le nombre de fans, j’ai compris un truc tout simple, le journalisme politique en Tunisie est un journalisme prosaïque, formel, qui a peur de concepts et d’analyse, il plaît parce qu’il est spatial et synthétique, les écrits de nos amis autrement plus profonds (donc décevants!), dont mon ami chez qui je ne partage presque rien en analyse ni en synthèse, encore mois en certitudes pour ne pas aller jusqu’à la grosse tête:))) Sadri Khiari, eux n’ont aucune chance de toucher les lecteurs!

C’est peut-être ça le chemin: plus on aime tes écrits, plus tu plais à tout le monde moins ton raisonnement est démontrable, fécond, innovateur et dissident! Plus tu comptes des fans moins tu possèdes des lecteurs, et donc moins tu produis d’idées défendables pour ce qu’elles sont et pour l’argument dont elles se justifient!

Une pensée politique par défaut

L’analyse tendre et arrondie faussement sentencieuse et verbalement nuancée est un chèque en bois! Il faudra un peu plus de déçus que de contents lorsqu’on veut avancer les arguments les plus sûrs! Ainsi va la pensée, elle n’est politique que par défaut!

Encore une fois, le combat en Tunisie est entre l’esprit politique et l’esprit scientifique, le premier a besoin de dogmes, de démagogie, de harangue et de confusion pour imposer ses lois; le second a simplement à résister par la logique de la preuve et de la démonstration... Et l’esprit politique en journalisme donne plus de fans que de lecteurs.

Il me souvient, à ce titre, le propos de mon maître Khaled Tébourbi: «Un journaliste est bon jusqu’au jour où sa signature surplombe son titre»!

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