M. Lârayedh va-t-il enfin s’expliquer et expliquer comment, sous sa gouverne, une fille de son pays a été sauvagement battue et violée par trois flics sensés la protéger?
Par Dr Lilia Bouguira
Depuis quelques temps, je ne suis plus au beau fixe.
Depuis ce matin, je rumine sans fin.
Ambiance générale ou humeur dépressive.
Puis, j’ai vu le journal de Facebook se dérouler sous mes yeux.
Ses cris sont venus encore me déchirer.
Ses bleus meurtrir mes peaux.
Lorsqu’une Libyenne a été violée par la milice de Kadhafi, j’ai vite réagi bien trop vite et j’ai dénoncé farouchement car Imene El-Obeïdi s’est foutue de son peuple et a maquillé un viol collectif pour foutre la panique, à la méthode de certains de nos télés lors du quatorze janvier.
Mais, aujourd’hui, la gamine que certains traitent de pute et de dévergondée en position déshonorable me pousse à la déraison plus qu’à la dénonciation.
Un discours de fou à lier et nous continuons à nous demander si nous allons bien.
Comment aller mieux lorsque nous permettons de tels abus et que nous laissons des pourris continuer leur sale boulot?
Que fait la Ligue des droits de l’homme si ce n’est de se soulever et hurler ‘‘non’’, et tout stopper; elle en a le pouvoir et la légitimité sinon elle n’a qu’à démissionner!
Que fait le ministre de l’Intérieur pour arrêter le carnage et cesser le beuglement de ces sbires?
Oui, je suis plus qu’en colère, plus encore dans le mépris de ce peuple qui se tait et qui a laissé une horde de loups vampiriser la gamine, salir son corps pour le marquer au feu et au sang. De tels actes de barbarie nous ne pouvons jamais en sortir indemne.
On me demande de prendre du recul.
C’est vrai que je suis en train de m’enfoncer, de perdre pied et de m’engouffrer mais de là où je suis, je ne peux que me retourner car ces images m’appellent, me somment de rester encore debout pour elle et pour nous.
Aussi j’appelle à toutes les femmes de ce pays de se lever et dire non à Maherzia Lâbidi dans son confortable fauteuil à la Constituante, à Yamina Zoghlami, à Souad Abderrahim des libertés et des droits, à Samia Abbou et à toutes celles que je ne cite, non pas parce que je ne connais des politiciens que leur arrogance et leurs rixes à l’Anc mais puisque ces femmes sont censées nous représenter, je les appelle à se lever, à hurler non et à frapper fort.
Je les appelle d’abord courtoisement pour énucléer et punir.
Je les appellerai avec toute ma virulence et celles de mes compatriotes si jamais elles font les chiffes molles et se mettent à beugler inutilement pour cette fois les dégager définitivement et sans regret.
J’appelle aussi mes femmes, mes belles Tunisiennes, sous toutes leurs formes, voilées et pas voilées, dénudées et niqabées, à hurler derrière moi «Ni putes ni soumises», la rue est à nous et personne ne nous violera.
J’appelle aussi à mes hommes, tous mes hommes, pères, frères, époux et amis, de venir nous accompagner dans cette marche vers les coupables pour que justice soit faite et rendue publique et rapide
J’appelle aussi mes hommes, mes vrais Tunisiens qui, le 14 janvier 2011, se souciaient peu ou pas du tout de la nature de la fille qu’ils supportaient sur leurs épaules pour dire dégage au führer.
J’appelle enfin monsieur Lârayedh à venir s’expliquer et expliquer comment, sous sa gouverne, une fille de son pays a été aussi sauvagement battue et violée par trois flics sensés la protéger et s’il ne peut plus se porter garant de notre sécurité eh bien qu’il démissionne et sans regret.
Je suis une femme ordinaire, très ordinaire, mais plus qu’anéantie, bougrement anéantie par une année dure, faite d’injustices sur ma personne et ma famille, une année de lutte que je mène contre vents et marées, mais là basta, le verre est plein, bien trop plein!
Ce n’est point Ennahdha mon ennemi ni la «troïka» mais s’il faut qu’ils soient tous appelés à comparaitre alors le peuple le fera!