Malgré le changement de son discours sur les salafistes jhadistes, Ennahdha n’a réellement pas changé d’avis sur ces derniers. Il attend que la tempête soir passée pour opérer un nouveau rapprochement avec cette jeunesse qui constitue malgré tout pour elle un vivier électoral.
Par Lotfi Benmosbah*
Ennahdha qui a perdu la majorité au niveau de la constituante du fait des nombreuses défections au niveau du CpR et Ettakatol, ses deux alliés à la «troïka» au pouvoir, ne pouvait plus passer les lois de la protection du sacre et de la constitutionnalisation du haut conseil des savants musulmans.
Une véritable démonstration de force
Le film ‘‘Innocence of Muslims’’ a été pour elle une aubaine. Ainsi, organiser une manifestation géante de protestation pouvait être suivi rapidement par une pression pour passer ces lois. Tout a été fait pour que la manifestation du vendredi 14 septembre devant l’ambassade américaine soit une réussite. Ennahdha a fait appel à ses troupes et aux salafistes et a assuré la logistique. Le service d’ordre était assuré par les militants salafistes et/ou nahdhaouis.
Cette manifestation pacifique devait être une véritable démonstration de force pour faire infléchir les Tunisiens d’une part et montrer à l’allié américain la capacité organisationnelle de ce parti.
Rached Ghannouchi devait parler immédiatement après la manifestation et nous imposer ces différentes lois.
Le faible nombre des policiers devait montrer comment Ennahdha pouvait organiser de manière impeccable et pacifique une manifestation. C’était sans compter avec la présence d’éléments perturbateurs incontrôlables qui se sont joints à cette manifestation de manière spontanée ou sous l’influence d’un commanditaire.
Ghannouchi à la manœuvre
Les conséquences nous les avons tous vécu en direct. Du coup, le discours de M. Ghannouchi préparé à l’avance était devenu complètement décalé et inaudible.
La réaction du grand ami américain ne s’est pas faites attendre et Ennahdha s’est trouvé devant un dilemme. Continuer à soutenir les salafistes en expliquant qu’ils n’ont rien a voir avec les violences et que celles-ci sont le fait de casseurs infiltrés dans la manifestation, comme l’a fait Sadok Chourou, et prendre le risque de se discréditer définitivement aux yeux de l’ami américain et du peuple tunisien, ou opérer un repli tactique et sacrifier les amis salafistes. Tactiquement, c’est la deuxième option qui a été choisie.
En voyant cette réaction peu amicale d’Ennahdha, les salafistes, quant à eux, se sont mis à crier à la trahison et ont cru qu’Ennahdha était responsable des violences et les avait piégés en les invitant à la manifestation pour pouvoir les accuser de violence et les éliminer plus facilement.
Le discours d’Abou Yadh, quelques jours après les faits, à la mosquée El Fath, devient ainsi plus compréhensible.
Ennahdha n’a réellement pas changé d’avis sur les salafistes et attend que la tempête soir passée pour opérer un nouveau rapprochement avec cette jeunesse qui constitue malgré tout pour elle un vivier électoral.
* Médecin libéral.