Seule la démocratie permet à des groupes dont les intérêts et les idéaux s’opposent parfois diamétralement de cohabiter en bonne intelligence dans l’intérêt de leur patrie commune.
Par Catherine Tlili
Beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux illustrent la crainte et l’incompréhension face à la montée de l’extrémisme en Tunisie. Ce phénomène, lorsqu’il concerne une minorité est pourtant indissociable de la vie démocratique. L’extrémisme a toujours existé dans le paysage politique d’une démocratie. Celle-ci étant par définition un système politique permettant à toutes les composantes de la société de s’exprimer, il est normal de retrouver dans chaque démocratie un ou plusieurs partis extrémistes. Son électorat varie entre 10 et 20% de la population.
En observant les démocraties occidentales, il est rare de ne pas trouver de parti extrémiste, qu’il soit d’extrême droite ou d’extrême gauche. Certains sont très violents, s’appuyant sur des thèses racistes, ultranationalistes et même économiques.
Des actes de profanation, d’agression à caractère raciste émaillent hélas l’actualité de ces pays démocratiques ce qui ne leur enlève pas le droit de se prétendre démocratique dans la mesure où ces dérapages inacceptables sont la preuve même de cette réalité démocratique sur laquelle est fondée leur société.
Il ne s’agit pas de dire que tout va bien en Tunisie et de tout accepter. Personne ne commettra la sottise de le faire. Mais une actualité sans tâche, exempte de dérapages et de dysfonctionnement serait une illusion à laquelle seul un pouvoir autoritaire pourrait nous faire croire.
A partir de ce constat, la société civile ne peut espérer éradiquer ses extrêmes, ce serait de l’utopie. Mais les démocraties doivent veiller à ce que leurs extrêmes soient canalisés par un dispositif légal et contraignant qui doit habilement permettre à chacun de s’exprimer sans menacer la cohésion du groupe. Cadre juridique et constitutionnel au cœur des débats actuels et l’on comprend bien la passion que ceux-ci soulèvent.
Les démocraties doivent aussi veiller à maintenir une certaine cohésion sociale pour ne pas pousser les électeurs vers les extrêmes, refuges bien connus de la contestation sociale.
C’est le casse-tête que tâchent de résoudre actuellement toutes les sociétés démocratiques, des plus anciennes aux plus jeunes : concilier la liberté d’expression, maintenir une certaine justice sociale tout en respectant la dignité de tous ses citoyens.
Les Tunisiens ont bien compris l’enjeu de cette transition politique qui doit établir des règles strictes et souveraines afin de permettre à des groupes dont les intérêts et les idéaux s’opposent parfois diamétralement de cohabiter en bonne intelligence dans l’intérêt de leur patrie commune.