Les partants devraient être remplacés par des technocrates indépendants, choisis en accord avec les partenaires politiques et sociaux. Moins il y aura de politiques dans le gouvernement et mieux sera.
Par Imed Sahli*
L’ère Ben Ali était caractérisée par un recours systématique aux effets d’annonce, jamais suivis par une quelconque évaluation ou une remise en cause. Positiver était le seul mot d’ordre que tous les responsables devaient observer.
Avec le gouvernement Béji Caïd Essebsi, le plancher des attentes était placé très bas, il fallait gérer le quotidien et faire face aux urgences en gardant comme challenge la tenue des élections à la date décidée.
Les promesses non tenues parce qu’intenables
Tant bien que mal la mission fut accomplie et le flambeau a été passé à un second gouvernement qui bien que transitoire s’est montré gourmand et rêveur
puisqu’il a promis monts et merveilles.
Avant même de procéder à un diagnostic de la situation du pays, les promesses les plus folles ont été lancées: croissance, équilibre régional, justice, dignité,
plein emploi…
Neuf mois après, le chef du gouvernement Hamadi Jebali avoue l’ampleur des défis auxquels il s’est trouvé confronté et que, sans doute, il a sous-estimé.
Après coup, on se rend compte qu’aucun gouvernement transitoire, même élu à l’unanimité, ne peut redresser la situation d’un pays comme le nôtre dans le contexte actuel en seulement une année ou même deux.
Un gouvernement inexpérimenté ou incompétent, les paris sont ouverts sur les éventuels partants.
M. Jebali aura-t-il le courage de dire les quatre vérités aux Tunisiens et à ses partenaires de la «troïka», la coalition tripartie au pouvoir? Ou va-t-il, vu les échéances, continuer à positiver et à nier l’évidence et défendre, avec l’appui des ses lieutenants, à cor et à cri, un bilan maigre.
Désormais, les Tunisiens ne se font plus d’illusions sur les perspectives du pays. Certes, cette situation n’est pas le résultat exclusif de la gestion de la «troïka»
mais planter sa tête dans le sable ne fera pas disparaitre par enchantement les maux qui rangent la Tunisie.
Des ministres hors sujet
Ceci m’amène à parler de l’action du gouvernement et des perspectives de son redressement.
Incontestablement, les femmes sont peu représentées dans l’actuel gouvernement, et c’est sûrement un choix et non le fruit du hasard.
Mais si le passage de la ministre de l’Environnement semble discret et indélébile, celui de la ministre des Affaires de la femme et de la famille suscite de plus en plus de l’indignation surtout chez la gente féminine, toutes sensibilités confondues, ce qui témoigne de la fracture entre gouvernants et gouvernés.
L’indisponibilité de Mme Badi, son dilettantisme et son mutisme intriguant sur certains sujets ont fini, à mon avis, par la discréditer. MM Maâtar (Emploi), Chakhari (Industrie), Ben Salem (Enseignement supérieur), Gharbi (Développement régional), Bettaieb (Investissement et Coopération internationale), Abid (Education) et Ben Hmidene (Domaines de l’Etat) font tellement de gaffes qu’ils ne cessent de défrayer la chronique à leur insu.
Je me contenterai de citer 3 bourdes monumentales en laissant aux lecteurs d’en rajouter à volonté.
Pour la première fois de l’histoire de la Tunisie, nous assistons à une rentrée scolaire aussi chaotique. Un seul exemple: au 29 septembre, le lycée Omrane de Tunis n’a toujours pas ouvert ses portes. Conséquence: 2.000 élèves sur le carreau. A ce sujet, je trouve que tout commentaire est inutile.
"Le gouvernement doit serrer la vis, sinon nous nous en occuperons" lancent les animateurs du mouvement Ekbes... pro-gouvernement!
M. Maâtar déclare avec fierté la création de 61.000 emplois, information reprise par le chef du gouvernement. Je défie le ministre de décliner ces emplois par secteur (public, privé), durée du contrat (Cdi, Cdd), nature de contrat (stage, intérim, chantier de développement, sous-traitance).
M. Ben Hmidene a annoncé en jubilant que les recettes de l’exportation se chiffrent à 13 milliards de dollars US. Pourtant, ses conseillers l’ont dissuadé d’avancer ces chiffres sans relation avec la réalité. En effet, le ministre a fermé les yeux sur les dettes qui grèvent le patrimoine exproprié. Il est clair que l’annonce de la valeur de l’actif net des biens expropriés ne l’arrange pas, d’où la fuite en avant dangereuse, car les citoyens vont sans doute réclamer leur part d’un gâteau préparé par une levure que seul M. Ben Hmidene connait la composition.
Réduire les ministères et s’ouvrir aux technocrates
Pourtant de bons ministres, il y en a. Ali Larayedh, à l’Intérieur, fait un bon travail dans l’ensemble (avec Fethi Essid en copilote discret) tant qu’on le laisse faire son boulot.
Quoique certains lui reprochent un certain laxisme vis-à-vis des extrémistes religieux qui a abouti à l’attaque de l’ambassade américaine le 14 septembre. Il en est de même pour MM Dilou (Droits de l’homme), Zaouia (Affaires sociales), Besbes (Finances) et Ben Salem (Agriculture).
Faut-il alors élargir le gouvernement à d’autres partis politiques?
A mon avis, les partants devraient être remplacés par des indépendants (technocrates) choisis autant que possible d’un commun accord avec les partenaires politiques et sociaux. Moins il y aura de politiques dans le gouvernement et mieux sera.
Certains ministères superflus devaient disparaitre dans un souci d’économie et de rationalisation. A cet effet, à quoi sert les ministères de l’Emploi, de l’Environnement, de la Femme et même des Droits de l’homme?
Faut-il alors rappeler que le pléthore de ministres et conseillers rattachés aux divers cabinets est synonyme soit d’inefficacité soit de recours aux emplois fictifs destinés à donner un coup de pouce aux partis au pouvoir, en nommant leurs militants dans des emplois administratifs, juste pour les faire profiter des avantages et émoluments servis gracieusement par l’Etat, ce qui allège les charges des partis de la «troïka».
* Spécialiste en gestion ressources humaines.