A celui qui a qualifié les Tunisiennes solidaires avec la jeune femme violée par deux policiers de «bourgeoises résidentes de La Marsa», mettant une connotation péjorative dans ces mots.
Par Lamiss Kerkeni*
Monsieur le consul, je ne suis ni bourgeoise, ni propriétaire de BMW, ni résidente de la Marsa… ni aucun de ces qualificatifs vides de sens que vous employez honteusement sur une chaîne étrangère (France 24, Ndlr) en rabaissant une fois de plus notre pays à votre niveau.
La fierté d’être des Tunisiennes instruites et libres
Je suis la troisième fille d’un fonctionnaire tunisien, juriste et énarque, issu lui-même d’une famille très modeste, mais qui a pu évoluer et se faire une place dans cette société grâce à son travail, sa persévérance certes, mais aussi grâce aux politiques de Bourguiba qui permettaient de donner une chance aux plus démunis pour s’instruire.
Cet homme s’est battu tous les jours de sa vie et nous a élevés avec un salaire de misère parce qu’il croyait en la grandeur de son pays, souvent au détriment même de sa famille alors qu’il aurait très bien pu travailler ailleurs pour nettement plus. Nous étions cinq et ma mère n’avait pas le droit de travailler du fait de la fonction de mon père.
Nous avons grandi avec l’amour de la patrie et le goût du sacrifice pour les causes nobles. Notre seul privilège était notre fierté d’être des femmes tunisiennes instruites et libres. Tous les jours de ma vie, mes parents me rappellent, que ma seule arme est mon instruction, qu’en elle seulement résident ma liberté et mon salut.
Aujourd’hui, je suis moi-même énarque et mes deux sœurs sont médecins et figurez-vous que nous sommes aussi votre opposition!
Alors de grâce, M. le consul taisez-vous!
Nous sommes votre opposition, car votre ignorance nous répugne, votre simplicité d’esprit nous exaspère, et il nous désole au plus haut point, que votre petitesse vous ait permis un jour d’accéder au poste que vous occupez aujourd’hui pour représenter et servir un peuple dont la grandeur vous dépasse.
De grâce, M. le consul, ne vous permettez plus de tels discours en public qui éclaboussent notre image et notre réputation. De toute évidence, vous ne savez rien du peuple que vous représentez; vous n’avez rien saisi de sa diversité, de sa richesse, de ses particularités et surtout de sa grandeur.
Alors de grâce, M. le consul taisez-vous! Taisez-vous et ne vous excusez même pas, ce serait hypocrite que de vous excuser alors que vous n’êtes même pas en mesure de comprendre l’objet de l’outrage public que vous venez d’infliger à votre peuple.
Taisez vous et retenez simplement que votre opposition est bien plus hétéroclite, riche et complexe que le dessin enfantin et ridicule que vous en faites, même si ce dernier ne fait que révéler davantage la gravité de la situation dans laquelle notre pays se trouve à se faire diriger par de petites gens comme vous.
*Femme tunisienne, ni bourgeoise, ni propriétaire de BMW, ni résidente de la Marsa, mais farouche opposante au danger que vous représentez pour notre pays.