La fonction publique, dont les normes et procédures sont strictement réglementées, a beaucoup souffert des dépassements et abus de l’actuel gouvernement dit «légal». Explication…
Par Nadia Taieb*
A la lecture des publications récentes du Jort, tout lecteur avisé se rendra compte de la prolifération des nominations aux emplois fonctionnels et aux postes de conseillers rattachés aux divers cabinets ministériels assortis souvent des avantages accordés à un ministre ou secrétaire d’Etat.
L’«explosion» des effectifs dans les cabinets ministériels
Ainsi, le dernier Journal officiel (n°77 du 28/09/2012) annonce t-il le renforcement du cabinet du chef du gouvernement par 5 nouveaux conseillers qui viennent s’ajouter à l’armée de conseillers, experts, ministres et secrétaires d’Etats et autres hauts fonctionnaires rattachés à M. Jebali.
Cette «explosion» révèle, sans l’ombre d’un doute, l’inefficacité et l’inefficience du gouvernement, qui se traduisent par la multiplication des recrutements pour pallier à ses faiblesses.
La présidence du gouvernement réédite ainsi le comportement pathologique du président déchu qui a, jadis, mis en place un gouvernement parallèle (à la place du gouvernement en place) au Palais de Carthage pour administrer le pays.
On se rappelle tous pourtant que certains membres de ce gouvernement dit «légitime» n’ont pas mâché leurs mots pour pointer du doigt la mauvaise gestion relative à la gestion des nominations par l’ex-gouvernement conduit par Béji Caïd Essebsi, taxé alors de favoritisme. Pourtant, le gouvernement Jebali est en train de battre tous les records aussi bien en nombre qu’en «qualités».
Hamadi Jebali préside le conseil du gouvernement.
Le Jort n° 77 nous informe ainsi que M. Aouadi vient d’être nommé, par décret n°1967, au poste de directeur général auprès du chef du gouvernement, sans aucune autre précision quant à la structure qu’il est censé administrer. M. Jebali vient-il de créer un poste de directeur général sans portefeuille? Si c’est le cas c’est une innovation majeure (!) et une nouvelle brèche dans le dispositif de la fonction publique.
Autre innovation, et non des moindres: l’octroi à des chargés de mission et autres chefs de cabinets des avantages de ministres ou secrétaires d’Etat. Le dernier exemple en date concerne le chef de cabinet de Mustapha Ben Jaâfar, président de l’Assemblée nationale constituante (Anc).
Il y a encore pire, les nominations partisanes – souvent dénoncées par les médias dont Kapitalis – qui sont légion. En la matière le petit ministère de la Femme défraie la chronique. Ainsi apprend-t-on que le chef de cabinet de Sihem Badi, titulaire du portefeuille, est un simple sous-directeur à la Poste tunisienne. Le cabinet de Mme Badi comprend aussi, entre autres, Mohamed Ali Khaldi, sous directeur nommé chargé de mission (décret N° 897/2012). Originaire de Tozeur et en relation de parenté directe avec la ministre, ce dernier bénéficie des avantages généralement attribués à des directeurs généraux (400 litres de carburant, voiture et prime).
L’on se rappelle tous de la péripétie de la nomination de la fille d’un ministre de la «troïka», Abdelwaheb Maâtar, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, auprès de sa collègue, et camarade au sein du même parti (Congrès pour la république), la ministre de la Femme (encore elle?).
Bien entendu, toutes ces nominations et «innovations» pour ne pas dire inventions auront un coût élevé et laisseront un goût amer chez le contribuable.
Le coup de grâce asséné par Mohamed Abbou
La rétention de la liste des ambassadeurs ne dénote-t-il pas du dépit et de la crainte d’un tollé général lié au népotisme et au favoritisme plus que jamais à coloration partisane. Pourtant, le retard du mouvement diplomatique bat tout les records et pénalise l’action de notre diplomatie.
Mohamed Abbou, ministre de la Réforme de l’administration démissionnaire, est-il étranger à cette débâcle de la fonction publique?
Absolument pas. La majorité de nominations publiées durant le dernier trimestre ont été validée par M. Abbou et les conseils des ministres avant le mois de juillet.
Mohamed Abbou.
Parlons enfin du nouvel horaire administratif, qui serait le résultat d’une consultation administrée et orientée par le personnel de M. Abbou totalement acquis au changement.
Ce dernier, qui a mis le gouvernement devant le fait accompli, en annonçant à cor et à cri les résultats de cette soi-disant consultation, n’a-t-il pas planté le dernier clou dans le tombeau de la fonction publique?
De visu, l’absentéisme atteint des niveaux record et l’heure de pose est souvent multipliée par deux et plus. Quant au vendredi après-midi, il est dorénavant acquis pour la majorité des fonctionnaires, presque tous devenus observateurs scrupuleux des prescriptions religieuses et particulièrement les prières (il y en a deux) du vendredi.
* Universitaire.