«Poème» qui traduit selon son auteur une des faces de l’état actuel du pays, en rapport avec l’échéance du 23 octobre 2012.
Par Habib Ksouri
Le 23(1) arrive avec son cortège de peurs
Les Tunisiens, alarmés, ont la main sur le cœur
Au loin, on entend le roulement des tambours de la guerre
Ambiance chauffée à blanc par des baratineurs vulgaires
D’une voix unique, le gratin s’agite
Le futur appartient à ceux qui embobinent le plus vite
Les exclus par la dernière révolution
Les recalés des dernières élections
Les profiteurs du pillage de la nation
Et tous les clodos chantent à l’unisson
C’est la fin des vacances, on va reprendre le pays
Le pouvoir ça nous connait, pas besoin de démocratie
Ce fut un bref instant d’égarement
Le peuple, qu’on «aime» a fait un faux bond
Qu’à Dieu ne plaise, on est magnanime
Le peuple sera plus à l’aise, si on le réprime
Les bonnes anciennes habitudes commençaient à disparaître
La langue de bois, le discours unique et les promesses bidon
La médiocrité résistante à toute épreuve et le dressage à fond
Ainsi soulagées de leur liberté, les vaches iront paître
Dans les champs arides du droit à ne plus penser
Dans les océans du patriotisme opaque et avarié
Dans l’univers des espérances remises aux lendemains
Cinquante cinq ans, c’est court dans la vie des humains
Ce qu’a raté ton grand père, toi et ton père
Tu le légueras à tes enfants, petits-enfants et ta descendance entière
Un relookage à la dernière mode
Des vieilles guenilles qu’on raccommode
Et puis, l’inspiré, le sage, le bien aimé
Le sauveur des Tunisiens, des Africains, de toute l’humanité
Un arbre, qui cache une forêt d’épines
Des voraces ardents qui paraissent sortir de la débine
Un magma bouillant qui veut tout consommer
Un demi-siècle d’effractions, c’est peu pour des affamés
Quand au peuple, il en a vu d’autres
Des drôles de dictateurs et leurs innombrables apôtres
Cinquante ans, un siècle c’est du pareil au même
Il est vrai qu’on ne compte pas, quand on aime
Les jeux sont faits, l’impatiente fuse
On vous a eus par la matraque, on vous aura par la ruse
Le chaos, l’amalgame, c’est le paradis des brigands
Mensonges, rumeurs, duperies à tout bout de champs
Une agitation frénétique, une hystérie, qui brouillent tout
Politique de revanchards avec une pénurie d’atouts
S’étant tapis au lendemain du 14(2), les revenants réapparaissent
Le regard avide et la rapacité en détresse
Peuple, réveilles toi, les hyènes t’ont à l’œil
Ceux qui ont nourri en toi l’effroi, reviennent tantôt pour ton deuil
Notes :
(1) 23 octobre 2012, date de la fin de la légitimité électorale et début de celle oligarchique, selon les oligarques.
(2) 14 janvier 2011, fuite du dernier président «auto-élu» et début de la contre-révolution, selon les faits. Déjà, avant que les Tunisiens ne se rendent compte vraiment de ce qui s’est passé, la machine despotique s’était mise en marche pour essayer de récupérer l’ancien système.